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MÉTELLA.

on, que sa femme fût stérile ou qu’elle ne le fût point, puisqu’après son divorce il demeure dans le célibat ? Il n’est donc pas vrai que les promptes noces de Sylla avec Métella aient été propres à réfuter la raison pour laquelle il avait dit qu’il répudiait Célie : au contraire, elles étaient propres à la confirmer et à justifier sa conduite. La raison de Plutarque serait bonne, si Métella eût été hors d’âge d’avoir des enfans ; mais il nous apprend lui-même qu’elle accoucha de deux jumeaux. Voici ce qui l’a trompé ; il a raisonné de cette façon : Sylla n’eût pas conclu son mariage avec Métella, un peu après son divorce, s’il n’eût été amoureux d’elle depuis quelque temps, et s’il n’eût même préparé les choses pour son nouveau mariage, avant la dissolution de l’autre. C’est donc l’envie d’épouser Métella qui l’a poussé au divorce : la stérilité de Célia n’a donc été qu’un vain prétexte : Plutarque a raison peut-être dans le fond ; car peut-être le motif de Sylla fut uniquement l’envie d’avoir Métella : mais comme Plutarque fonde sa proposition sur une preuve très-équivoque, et qui, selon l’ordre naturel et le bon sens, doit être fausse, il est coupable de paralogisme. J’ai dit ailleurs qu’une critique comme celle-ci, qu’on peut appeler une critique de dialecticien, est capable de rendre plus de service aux jeunes lecteurs qu’une critique de grammaire.

(D) Si le fils d’Ésope a été aimé d’une Métella. ] Ce qui fait que je m’exprime de la sorte, est que les paroles d’Horace ne signifient pas nécessairement que la dame dont le fils d’Ésope avala la perle, fût amoureuse de lui. Horace aurait pu faire mention de Métella, en cas que c’eût été une dame magnifique en pierreries ; car comme son but était de marquer l’extravagante prodigalité du fils d’Ésope, il devait caractériser la perle par des traits qui frappassent le lecteur. S’il y eût donc eu une dame nommée Métella, fameuse par la magnificence de ses pierreries, on eût donné une grande idée du prix d’une perle, en disant qu’elle avait servi de pendant d’oreille à cette dame ; et ainsi l’expression d’Horace, detractam ex aure Metellæ, ne serait pas inutile, quand même on supposerait que le fils d’Ésope ne serait devenu le maître de cette perle que par achat. Cependant je trouve très-vraisemblable que cette Métella se gouvernait mal avec le fils de ce comédien ; et il pourrait bien être que c’était la même Métella dont il est parlé dans les Lettres de Cicéron. Il y a des commentateurs qui croient, 1°. que quand Cicéron se plaint d’être tourmenté par le fils d’Ésope [1], il veut dire que cet homme était le camarade de Dolabella dans les débauches qui chagrinaient tant Tullie [2], et qui furent l’une des causes de la rupture de son mariage avec Dolabella ; 2°. que ces débauches étaient les engagemens de Dolabella avec des femmes galantes, et nommément avec Métella. Cette conjecture est appuyée sur un passage d’une autre lettre de Cicéron, où l’on voit Métella entre les causes du divorce de Tullie. Meliùs quidem in pessimis nihil fuit discidio : aliquid fecissemus ut vivi, vel tabularum novarum nomine, vel nocturnarum expugnationum, vel Metellæ, vel omnium malorum [3]. Quelques-uns [4] veulent que cette Métella soit celle que Lentulus Spinther répudia, et que celle du fils d’Ésope soit la Métella répudiée par ce Lentulus [5]. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il y eut vers ce temps-là une dame fort galante qui avait nom Métella, dont les amours donnèrent autant de matière aux poëtes, que madame d’Olonne en a donné aux auteurs de XVIIe. siècle. Voici deux vers d’Ovide tirés de la 2e. élégie du 2e. livre des Tristes, v. 437 :

Et quorum libris modò dissimulata Perillæ
Nomine nunc legitur dicta, Metelle, tuo.


Nous apprenons d’Apulée comment

  1. Quin etiam Æsopi filius me excruciat. Cicero, ad Attic., epist. XV, lib. XI.
  2. Quia socius Dolabella in adulteriis Pellicum Tulliæ, ut Metellæ de quâ epist. 23. Popma, in editione epist. Cicer. ad Atticum, Græviana, tom. II, pag. 248.
  3. Cicero ad Attic., lib. XI, epist. XXIII.
  4. Corradus in Cicer. ad Attic., epist. VII, lib. XIII.
  5. Et Lentulum cum Metellâ certè fecisse divortium. Cicero ad Attic., epist. VII, lib. XIII. Voyez aussi epist. LII, lib. XII.