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MÉLANCHTHON.

rer réfute cela. Voyez aussi M. Seckendorf au IIe. livre de l’Histoire du Luthéranisme, page 158.

(B) On a eu raison de le mettre parmi les enfans illustres. ] Le chapitre que M. Baillet lui a donné dans son Traité historique des Enfans devenus célèbres par leurs études, ou par leurs écrits, lui était dû, et est fort curieux. On y voit qu’à l’âge de treize ans il dédia à Reuchlin une comédie qu’il avait composée tout seul. Ce jeune écolier étant à Pfortsheim fit apprendre à ses camarades les divers rôles d’une manière de comédie, que Reuchlin avait publiée depuis peu ; son but était de représenter la pièce en présence de l’auteur, et la chose fut exécutée très-joliment : Tunc et æqualibus suis scriptum quoddam ludicrum Reuchlini instar comediæ illis diebus editum, ediscendum distribuit, et suas cuique partes assignavit, ut coram Reuchlino ad se reverso fabula ea ageretur. Quod etiam factum est cum summâ ipsius voluptate atque lætitiâ [1]. Il pouvait courir alors sa treizième année : il pouvait aussi être plus jeune ; car il demeura deux ans à Pfortsheim, et il en sortit pour aller à Heidelberg, où il fut immatriculé le 13 d’octobre 1509 [2]. M. Baillet ajoute qu’il fut chargé de faire la plupart des harangues et des autres discours d’éloquence qui se prononçaient en public dans l’académie d’Heidelberg. Cela est assez conforme à ces paroles de Melchior Adam : Scripsit jam adolescentulus professoribus in eâ scholâ orationes : quæ publicè recitatæ sunt [3]. Voici un passage qui n’est pas exact : « à l’âge de treize ans, il composa une comédie à l’honneur de Reuchlin. Il n’avait que dix-neuf ans lorsqu’il publia sa Rhétorique. L’année suivante il mit au jour sa Dialectique, et à l’âge de vingt-quatre ans sa Grammaire. Incontinent après il composa plusieurs écrits en théologie ; et à l’âge de vingt-six ans il fit imprimer ses Lieux Communs, qui furent également estimés et des [* 1] protestans et des catholiques. Car ayant été publiés sous le nom de Messer Philippo di terra nera, et étant apportés à Rome, tous les exemplaires furent d’abord vendus [4]. » On a déjà vu ce que j’ai à dire touchant cette comédie à l’honneur de Reuchlin ; je ne le répète point. Je dis seulement que M. Teissier n’a pas bien pris garde à ces paroles latines : Anno decimo nono evulgavit Rhetoricam ; secquenti Dialecticam : vicesimo quarto Grammaticam, aliis deindè annis alia [5]. Elles marquent les années du siècle, et non pas celles de Mélanchthon. Et par conséquent il fallait dire qu’il avait vingt-deux ans, lorsqu’il publia sa Rhétorique, etc. Il ne fallait point prétendre qu’il ne composa plusieurs écrits en théologie qu’après la publication de sa Grammaire ; car il mit au jour divers traités de cette nature, l’an 1521 [6], trois ans avant que sa Grammaire fût imprimée. Enfin, il est faux qu’il ait donné au public ses Lieux Communs à l’âge de vingt-six ans. Il les publia l’an 1521 [7], lorsqu’il n’avait encore que vingt-quatre ans.

Notez que tous les ouvrages que Melchior Adam vient de nommer sont postérieurs à la profession de Wittemberg ; mais il faut se souvenir qu’il a dit ailleurs que Mélanchthon publia des livres pendant la profession de Tubinge [8]. Il y a donc lieu de croire qu’il fut auteur imprimé avant l’âge de vingt ou vingt et un ans : il a donc été fort digne d’être mis au catalogue de M. Baillet. J’ai lu dans le parallèle que Jean-Jacques Grynæus a fait entre le prophète Daniel et Mélanchthon, un bel éloge de ce dernier. Il mérite que je le copie : At Deum immortalem, quàm non spem de se præbet, admodùm etiam adolescens

  1. (*) Scaligérana.
  1. Camerarius, in Vitâ Melanchthonis, pag. 9.
  2. Melch. Adam., in Vitis Philosoph., pag. 185.
  3. Idem, ibidem, pag. 186.
  4. Teissier, Additions aux Éloges, tom. I, pag. 188.
  5. Melch. Adam., in Vitis Theolog., p. 331.
  6. Idem, ibidem.
  7. Idem, ibidem, pag. 332.
  8. Privatim ac publicè cum magnâ laude et admiratione ducuit (Tubingæ) et scripta quædam ceu primos fœtus ex quibus satis apparuit qui proventus in posterum expectandi forent, in lucem edidit. Melch. Adam, in Vitis Philos., pag. 186.