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MÉLANCHTHON.

gue grecque. Les témoignages de piété avec lesquels il finit sa course furent admirables [a] ; et il est à remarquer que l’une des choses qui lui firent regarder la mort comme un bonheur, fut qu’elle le délivrerait des persécutions théologiques (G). Il s’était marié avec la fille d’un bourgmestre de Wittemberg, l’an 1520, laquelle mourut l’an 1557 [b]. Il en eut deux fils et deux filles (H). Comme on peut trouver, dans un ouvrage plus aisé à consulter que ce Dictionnaire [c], le portrait de ses bonnes qualités morales [* 1], je n’en parlerai pas ; mais je dirai qu’il était crédule pour les prodiges, pour l’astrologie [d], et pour les songes [e] ; et je ferai quelques réflexions sur le penchant qu’on le blâme d’avoir eu vers le pyrrhonisme (I). C’est à tort que quelques-uns l’ont accusé de haïr la philosophie péripatéticienne (K). On a eu infiniment plus de raison de prétendre qu’il ne croyait point la réalité (L), ni que la grâce fût irrésistible [f]. Le feuillant Saint-Romuald assure qu’on brûla son corps à Munich (M). Cela me paraît une fable tout-à-fait grossière. M. Varillas a publié des mensonges si étranges (N), que la peine de les réfuter passerait avec raison pour très-inutile. La violence avec laquelle on calomnia Mélanchthon pendant sa vie, le persécuta encore après sa mort [g]. Il est étonnant que parmi tant d’autres occupations il ait pu écrire autant de livres qu’il en composa. Le nombre en est prodigieux. On en publia un catalogue chronologique, l’an 1582 [h]. Comme il voyait que ses ouvrages, quoiqu’il n’y mît pas la dernière main, et que même il les donnât au public assez imparfaits, étaient néanmoins utiles à la jeunesse, il prit plutôt le part d’en faire imprimer beaucoup, que celui d’en perfectionner un petit nombre [i]. C’était préférer à sa propre gloire l’utilité du prochain. On peut croire aussi que l’heureux génie qu’il avait reçu de la nature, lui donnait quelque confiance que ses productions seraient estimées sans le secours de la lime [j]. Ses vers latins plurent à l’hypercritique Jules-César Scaliger [k]. Il prit quelquefois un faux nom à

  1. * La douceur de Mélanchthon, que Bossuet lui-même loue dans son Histoire des Variations, est contestée par Joly, qui dit que la lecture des ouvrages de Mélanchthon ne fait pas concevoir une idée de lui fort avantageuse sur ce sujet, et que sans doute sa modération était plus dans sa conduite que dans ces écrits. Joly oublie que, d’après Leclerc, il a, dans une de ses notes sur l’article G. du Bellay, opposé la modération des écrits de Mélanchthon à la violence des placards des protestans de France.
  1. Voyez Melchior Adam, in Vitis Phil., pag. 202.
  2. Idem, ibidem, pag. 190.
  3. Dans les Additions de M. Teissier aux Éloges de M. de Thou, tom. I, pag. 187, édition de 1696.
  4. Voyez-en les preuves dans l’Histoire des Variations de M. de Meaux, liv. V, num. 34.
  5. Voyez Melch. Adamus, in ejus Vitâ passim.
  6. Voyez l’article Synergistes, tom. XIII.
  7. Voyez Melch. Adam, in Vit. Theol., pag. 357, 358 ; et Bucholcher, Ind. Chron., ad ann. 1560, pag. m. 600.
  8. Mat. Mylius est l’auteur de ce Catalogue. Voyez Melchior Adam, in Vit. Theol., pag. 347.
  9. Voyez Melchior Adam, ibidem, pag. 361.
  10. Voyez Érasme, in Ciceroniano.
  11. Jul. Cesar Scaliger. Poët., lib. VI, pag. m. 736.