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MAUSOLÉE.

de la royauté. Ce fut aussi là que naquit Mausole. Vitruve qui nous l’apprend, nous dit de plus que Mausole fit bâtir sa maison dans Halicarnasse, parce qu’il trouva cette ville parfaitement bien située [1]. Aristote [2] nous apprend une autre particularité. Mausole, voulant lever de l’argent sur la ville de Mylasse, représenta aux habitans qu’une ville comme la leur, sa patrie et la capitale du royaume, ne devait point être sans murailles, vu principalement que les Perses la menaçaient. Chacun contribua selon ses forces ; mais quand Mausole eut l’argent entre les mains, il leur dit que ce n’était point encore la volonté de Dieu que la ville eût des murailles.

(F) Le médecin qui guérit Mausole demanda une grande récompense, mais en honnête homme. ] C’était Dexippus, natif de l’île de Cos, et disciple d’Hippocrate. Il fut mandé par Hécatomne, roi de Carie, pour guérir Mausole et Pexodare, malades à l’extrémité, et abandonnés des médecins. Il les guérit ; mais ce fut à condition que le roi leur père cesserait de faire la guerre à l’île de Cos. Ἐπι ὑποσχέσει ἰάσατο τοῦ παῦσαι πρὸς Κώους (il faut lire ainsi et non pas Κᾶρας) τότε αὐτῷ ἐνεςῶτα πόλεμον. Eos eâ conditione sanavit ut bellum quod tunc adversus Coos gerebat deponeret [3]. Cela n’est-il pas bien généreux ? Peut-on voir un meilleur sujet ? N’est-ce pas être bien pénétré de l’amour de sa patrie ?

(G) Voyez les preuves de tout ceci dans la remarque. ] Elle sont renfermées dans ce court passage de Pline [4] : Secandi marmor in crustas nescio an Cariæ fuerit inventum. Antiquissima, quod equidem inveniam, Halicarnassi Mausoli domus [5] Proconnesio marmore exculta est lateritiis parietibus. Vitruve explique cela plus exactement. Halicarnassi, dit-il [6], potentissimi regis Mausoli domus cùm Proconnesio marmore omnia haberet ornata, parictes habet latere structos, que ad hoc tempus egregiam præstant firmitatem, ita sectoriis operibus expoliti ut vitri perluciditatem videantur habere.

  1. Vitruv., de Archit., lib. II, cap. VIII.
  2. Aristot. Œconom., lib. II.
  3. Suidas, in Δέξιππος.
  4. Plin., lib. XXXVI, cap. VI, pag. 287.
  5. Quæ etiam nunc durat, dit-il, au livre XXXV, chap. XIV, pag. 249.
  6. Vitruvius, lib. II, cap. VIII, pag. 29.

MAUSOLÉE. C’est ainsi qu’on nomma premièrement le magnifique tombeau qu’Artémise fit bâtir à Mausole son mari, et qui a été compté entre les sept merveilles du monde. Voyez-en la description dans Pline [a], et dans le Supplément de Moréri (A). Ensuite, on a donné le même nom à tous les tombeaux somptueux (B). C’est ainsi que l’on nomma le superbe monument qu’Auguste fit faire pendant son sixième consulat, entre le chemin de Flaminius et le Tibre, pour y être enterré avec les siens [b]. Strabon nous en a laissé la description au livre cinquième. C’est aussi le nom que Florus donne [c] au tombeau des rois d’Égypte dans lequel Cléopâtre s’enferma, et se fit mourir. Les dictionnaires latins de MM. Lloyd et Hofman fournissent plusieurs autorités qui montrent que le mot mausolée a été donné par les Romains aux sépulcres dont la structure était magnifique ; mais il y a deux vers de Martial (C), qu’on ne doit pas joindre avec ces autorités. La langue française a adopté ce mot-là au même sens que les Romains. Nous appelons mausolées les tombeaux des rois de France. On a même étendu ce mot sur ces représentations de tombeau qui font partie d’une pompe funèbre, et qui ne durent qu’autant que les funérail-

  1. Plin., lib. XXXVI, cap. V.
  2. Sueton., in Augusto, cap. CI.
  3. Lib. IV. cap. XI.