Jérémie de Pours remarque [1] que les cinquante psaumes de Clément Marot furent imprimés à Strasbourg l’an 1545, avec la Liturgie ecclésiastique. La musique n’y est pas partout pareille, dit-il, avec celle qui a suivi, et dont on s’est servi après. La poésie y est aussi, en plusieurs lieux, différente de celle qui est en ces vieilles éditions… Le premier psaume y finit ainsi :
Car le chemin des bons est approuvé
Du seigneur dieu, qui tousiours la trouvé
Droit et uni ; car on ne s’y fourvoye.
Les psaumes y sont entiers, sans pauses
et sans les distinguer. Le Symbole
des Apôtres et quelques autres cantiques
y sont aussi en musique ; et par
dessus le Décalogue de la composition
ordinaire ; il y en a aussi un
autre :
Oyons la voix que de sa voix
Nous a donné le createur,
De tous hommes legislateur,
Notre Dieu souverain. Kyrie-Eleison.
qui est là répété à la fin de tous les
versets du Décalogue. Ce qui suit est
digne de considération : « La première
préface qui a été mise devant
les psaumes de Clément Marot par
l’église de Genève, est en date du
10 juin 1543, faite par M. Jean Calvin….
On imprima pour la première
fois tous les psaumes avec
leur musique, à Genève, avec une
préface de capitulation de quelque
subside pour les pauvres réfugiés à
Genève ; que lors les autres imprimeurs,
les imprimant sur les
premières copies, fourniraient volontairement
et libéralement. Les
diacres de Genève, en l’an 1567,
après la préface des sermons de M. Jean
Calvin sur le Deutéronome, s’en
sont plaints en la douleur de leur
esprit, touchant ceux qui impriment
ou font imprimer tous les jours, et
qui ont par ci-devant imprimé les
Psaumes mis en rhythme par M. de Bèze.
Car il n’y a celui d’entre eux
tous qui ne sache bien qu’ils ne
peuvent en bonne conscience et ne
doivent aussi les imprimer, sans
payer à nos pauvres ce qu’il fut
promis et arrêté avant que jamais on
les imprimât la première fois[2]. »
De Pours observe[3] que Louis Bourgeois
a mis en musique 83 Psaumes à
quatre, cinq et six parties, imprimés
a Lyon l’an 1561, et[4] que Guidomel[5] a composé les psaumes de
David, imprimés à Paris par Adrien
le Roy et Robert Balaard, l’an 1565,
et que nos psaumes ont été mis en
musique à 4 et 5 parties par Claude
Guidomel, et puis après par Claude
Marot, ce poëte, comme luthérien tout-à-fait déclaré, fut contraint de se retirer à Genève, où en 1543, il mit en vers vingt autres psaumes qui, ayant été imprimés à Genève, la même année, avec les trente premiers, donnèrent lieu à la préface dont Calvin accompagna cette édition.
On ne voit pas que jusqu’en l’année 1553 les réformés, soit régnicoles, soit simplement français, aient chanté d’autres psaumes que ces cinquante, si ce n’est autres huit psaumes, de versificateurs dont les noms m’ont jamais été bien connus, lesquels huit psaumes avec les trente premiers de Marot, furent en 1542, imprimés en gothique, à Rome, par le commandement du pape, par Théodore Drust, Allemand, son imprimeur ordinaire, le 15 de février, lit-on au dernier feuillet du livre imprimé in-8o ., sans autre nom ni de lieu ni d’imprimeur. Jérémie de Pours n’a point connu cette édition, laquelle, soit dit en passant, ne diffère de celle de Strasbourg, 1545, que par le nombre de psaumes. Les cent autres, mis en vers par Bèze, parurent vraisemblablement en 1553, puisque ce fut en ce temps-là, qu’accouplés avec le Catéchisme et avec la Liturgie de Genève, ils excitèrent tout de bon l’aversion des catholiques, qui, à l’exemple du roi François Ier., au lit de la mort (inventaire de Serres, à l’endroit où il y est parlé de la mort du roi François Ier.) n’avaient pas fait de scrupule de se servir des cinquante premiers.
Cette aversion continua jusqu’au temps du colloque de Poissy, dont l’issue favorable aux réformés, produisit, le 19 d’octobre 1561, le privilège du roi Charles IX, sur l’approbation donnée le 16 par la Sorbonne, pour la version du reste des psaumes huguenots, en conséquence de quoi parut à Lyon, en 1562, l’édition d’Antoine Vincent, sur laquelle, plusieurs années de suite, il s’en fit d’autres en diverses formes à Lyon, à la Rochelle et ailleurs ; toutes en vertu de ce privilége, qu’on aurait bien fait d’y insérer tout au long, et de même l’approbation de la Sorbonne.
La lettre du nommé Villemadon, rapportée par M. Bayle, sous la lettre O, fait mention du psaume : Vers l’Éternel des oppressés le père, etc. Ce psaume, qui est le 142e., et suivant la remarque de Jérémie de Pours, le 141e., comme on comptait en ce temps-là ; ce psaume, dis-je, est le pénultième de l’édition gothique de 1542, et il était alors tout nouvellement mis en vers, vraisemblablement à l’usage de la dauphine Catherine de Médicis, à laquelle, jusqu’alors stérile, et pour cela même menacée d’un divorce, il faisait espérer dans peu la naissance du prince dont en effet elle accoucha l’année suivante. Rem. crit.