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MAROT.

du privilége de Charles IX. La plus authentique approbation de cet ouvrage dit-il [1], « fut celle du roi Charles IX en l’année 1561, lequel, après avoir fait examiner ces Psaumes par des personnes les plus doctes en la Sainte-Écriture et aux langues, trouva qu’ils avaient été fidèlement traduits selon la vérité hébraïque ; de sorte qu’étant en son conseil, il donna agréablement son approbation et son privilége pour l’impression et le chant de ces Psaumes. Voici les termes du privilége qui se trouve encore dams nos vieux psaumes : Par grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, a été donné et octroyé à Antoine, fils d’Antoine Vincent, marchand libraire à Lyon, privilége, congé, licence et permission, pour le temps et terme de dix ans prochains venans, ensuivans et consécutifs, d’imprimer, ou faire imprimer, quand et où bon lui semblera, tous les psaumes du prophète David, TRADUITS SELON LA VÉRITE HEBRAIQUE, et mis en rime française et bonne musique, comme a été bien vu et connu par gens doctes en la Sainte-Écriture et esdites langues, et aussi en l’art de musique, etc. » Il y a quelques difficultés dans tout ceci ; car on ne comprend guère que Charles IX ait donné à un libraire de Lyon un privilége le 19 d’octobre 1562, pour imprimer les psaumes de Clément Marot et de Théodore de Bèze. La première guerre civile de religion était alors dans son plus grand feu. Lyon était au pouvoir des huguenots depuis plus de cinq mois, et on les assiégeait dans Rouen actuellement. Il y a donc plus d’apparence que le privilége fut expédié l’an 1561, comme le dit M. Bruguier. Mais cette différence de date entre lui et les autres ministres [2] n’est point commode. Outre cela, on ne comprend point qu’en 1561 ou en 1562, la traduction qui se chantait à Genève ait été donnée à examiner aux sorbonnistes, tronquée des quarante-sept premiers psaumes ; car, selon Florimond de Rémond, les cinquante psaumes que Marot avait traduits, firent un corps avec les cent autres traduits par Théodore de Bèze, et avec les Catéchismes calviniens, dès l’an 1553 ; et depuis ce temps-là, l’usage en fut du tout interdit, et les premières défenses renouvelées avec des peines rigoureuses [3]. Notez que le psaume XLVIII, qui était le commencement de la translation présentée aux docteurs de Sorbonne, n’est pas de la traduction de Clément Marot, mais de celle de Théodore de Bèze. Il ne faut pas oublier que le sieur de Pours, dans sa vaste liste des psaumes qui ont été imprimés avec privilége [4], ne dit rien de l’édition de Lyon approuvée par la Sorbonne, et autorisée par Charles IX ; mais il observe que l’édition de Plantin, qui fut approuvée par un docteur à ce député par le conseil, et munie d’un privilége royal daté du 16 de juin 1564, fut achevée d’imprimer au mois de septembre suivant ; et que les noms de Clément Marot et de Théodore de Bèze n’y paraissent point [5]. [* 1] Joignez à ceci la remarque (S).

  1. (*) Le privilége pour la version des autres psaumes est, non pas du 19 d’octobre 1562, comme l’a cru M. Jurieu, mais du 17 d’octobre 1561, et c’est le même que M. Bruguier a rapporté sous cette date. Du reste, quoique je suis bien persuadé que l’approbation de la Sorbonne, du 16 d’octobre 1561 existe, je ne puis dire où elle est ; car le privilége du 19 d’octobre ne la contient point, et n’en fait pas même mention. Voici sur tout cela ma pensée, qui pourtant ne me satisfait pas entièrement,

    Il n’y a pas de doute que le roi François Ier. n’ait donné son privilége pour l’impression des Psaumes dont Marot lui dédia la version. Ce fut, je pense, en l’année 1540, en conséquence de l’approbation mentionnée par Sleidan, l. 15, sur l’an 1543. Mais ce privilége ne regardait que les trente psaumes traduits jusqu’alors par ce poëte. Ces trente psaumes font partie des Œuvres de Marot, imprimées in-8°., par Dolet, en 1542, avec privilége pour dix ans, dit le titre de cette édition.

    Il faut pourtant bien que, dans l’intention de la Sorbonne, cette approbation emportât beaucoup moins qu’une permission d’imprimer, puisqu’au rapport de Sleidan, au même endroit, depuis l’impression de ces trente psaumes, procurée par

  1. Bruguier, Discours sur le chant des Psaumes, pag. 32, 33. Ce discours fut imprimé l’an 1664.
  2. M. Drelincourt, dans ses Dialogues contre les Missionnaires sur le service des églises réformées, pag. 59, assure que tous les psaumes furent imprimés à Lyon et à Paris, avec un privilége authentique du roi Charles IX, l’an 1562.
  3. Florim. de Rémond, Histoire de l’hérésie, liv. VIII, chap. XVI, pag. 1050.
  4. Jérémie de Pours, Divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 570 et suiv.
  5. Là même, pag. 571.