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MAROT.

testans l’usage public de la version de Marot, sous prétexte qu’il aurait été puni de ses adultères. Les mauvaises mœurs d’un poëte ne doivent pas empêcher que, s’il traduit bien les psaumes de David, on ne chante sa version dans les églises : tout de même que les mauvaises mœurs d’un peintre, ou d’un statuaire, ne doivent pas empêcher ceux qui vénèrent les images, de consacrer un tableau, ou une statue.

(I) Il mourut en Piémont l’an 1544, à l’âge d’environ soixante ans. ] Le premier de ces deux faits m’est fourni par Sainte-Marthe, et le second par Théodore de Bèze. Mais ne croyez pas que Sainte-Marthe se soit abaissé jusques à dire que Marot mourut l’an 1544. Cela eût été trop simple, et n’eût point permis que l’on débitât des phrases : il a donc fallu, pour donner lieu aux mots pompeux, marquer la mort de ce poëte à l’année de la bataille de Cérizolles. Cùm extorris et rerum tegenus Taurini apud Insubres procul à tuorum aspectu decesseris, eo ipso anno quo ad Ceresolam illius agri oppidum regius exercitus Anguiano duce insignerm de Cæsarianis victoriam reportavit [1]. Il y a parmi les vers de Marot [2] un dizain au roi, envoyé de Savoie l’an 1543, et [3] une Salutation du camp de M. d’Enghien à Dérizolles. Cela nous montre qu’il quitta Genève la même année qu’il y publia ses cinquante psaumes [4]. On a une églogue sur la victoire de ce duc d’Enghien [5]. À l’égard de ses soixante ans de vie, je dois recourir à d’autres témoins [6], car Sainte-Marthe ne s’abaisse point jusque-là.

Notez qu’on rectifiera ci-dessous, dans la remarque (R), ce qui concerne ces soixante ans. Les vers cités ci-dessus, citation (6) semblent prouver qu’en 1526 il n’avait que trente ans. Notez que dans son églogue, sous le nom de Pan et Robin, il se considère comme au voisinage de la vieillesse.

(K) La faute de chronologie qu’il semble que M. Maimbourg ait faite............ est très-légère. ] Il veut que Clément Marot n’ait pris la fuite qu’en 1535. Comme......... il vit que le roi son maître, après ce qu’il avait hautement déclaré dans la salle de l’évêché, n’épargnerait personne sur cela : il eut peur qu’on ne l’arrêtât, et s’enfuit bien vite en Béarn, et puis encore plus loin au delà des Alpes, à Ferrare, auprès de la duchesse Rence qui protégeait les protestans [7]. Ce que le roi déclara dans la salle de l’évêché concerne l’an 1535 [8]. M. Maimbourg le raconte [9] sous cette année-là avec bien des circonstances. Or nous avons vu ci-dessus que Marot revint de Ferrare en France, l’an 1556, et nous trouvons dans ses poésies [10] une lettre de Lyon Jamet à Marot, de laquelle les deux derniers vers sont ceux-ci :

C’est à Ferrare au huictieme an
De la sienne proscription,
Mais à la tienne intention
Que ce soit le dernier. Amen.


C’est une preuve, dira-t-on, que la fuite de Marot ne peut être mise pour le plus tard qu’en l’année 1528 ; Mais ceux qui parleraient de la sorte seraient très-blâmables ; car Lyon Jamet a marqué sa propre proscription, et non pas celle de Marot. On dira que ce dernier, dans une lettre qu’il écrivit à Ferrare sur le départ de madame de Soubise, dit [11] que cette dame quittait une cour où elle avait demeuré sept ans. Il est probable qu’elle suivit Renée de France, mariée l’an 1527 au duc de Ferrare : d’où l’on pourrait conclure qu’elle retourna en France, l’an 1534 ; ce qui prouverait que Marot était au delà des monts cette année-là. Mais

  1. Sammarthanus, Elog., lib. I, p. m. 24.
  2. À la page 383.
  3. À la page 387.
  4. Edidit illos (quinquaginta Psalmos) hoc anno Genevæ quo sese receperat, cùm in Galliis propter lutheranismi suspicionem parùm esset tutus. Triginta quidem psalmos ediderat antè biennium. Sleidanus, lib. XV, folio m. 366 verso, ad ann. 1543.
  5. À la page 473.
  6. À Théodore de Bèze, qui a dit, in Iconibus, circiter annum vitæ sexagesimum mortuus. C’est apparemment sur la parole de Bèze, que la Croix du Maine a dit, pag. 65, que Marot mourut âgé de soixante ans ou environ.
  7. Maimbourg, Histoire du Calvinisme, liv. II, pag. 97.
  8. Voyez Bouchet, aux Annales d’Aquitaine folio m. 271.
  9. Pag. 30 et suivantes.
  10. À la page 174.
  11. Œuvres de Marot, pag. m. 209.