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MAROT.

pièces obscènes parmi ses œuvres (M), et cela fournit un juste sujet de le blâmer. Je rapporterai quelques faits curieux touchant sa version de L psaumes de David (N). Les particularités les plus notables me seront fournies par l’auteur d’une lettre qui fut écrite à Catherine de Médicis, un peu après la mort de Henri II (O). Il ne faut pas oublier que l’église de Genève, qui s’était servie la première de cette version des psaumes, a été la première à l’abandonner (P), pour se servir d’une version plus accommodée à l’état présent du style français. On ne sait si les autres églises se conformeront à ce changement. Je ne me souviens pas d’avoir pris garde que Marot fasse mention de sa femme dans ses poésies ; mais j’y ai trouvé un endroit qui fait voir qu’il était père, et nous savons d’ailleurs que Michel Marot son fils composa des vers qui ont été imprimés (Q).

Il y a certaines choses, dans l’article de ce poëte, qui doivent être rectifiées. Cela me donnera lieu d’indiquer la plus ample des éditions de ses Œuvres (R). Ce que j’ai dit de certaines éditions du Psautier des protestans de Genève sera un peu augmenté (S).

(A) Jean Marot son père...n’avait pas mal réussi à faire des vers. ] Il était né à Mathieu, proche de Caen, si nous en croyons M. Moréri. D’autres disent simplement qu’il était de Caen, et ils ajoutent qu’il fut poëte de la reine Anne de Bretagne, et puis valet de chambre de François Ier. [1]. Le Recueil de ses Œuvres contient le Doctrinal des Princesses et nobles dames, deduit en 24 rondeaux ; Les voyages de Gennes et Venise victorieusement mis à fin par le roy Loys 12 ; Autres 49 rondeaux ; une Epistre des dames de Paris au roy François premier, estant de là les monts, et ayant desfaict les Suisses ; Autre Epistre des dames de Paris aux courtisans de France estant pour lors en Italie : Autre Epistre à la reine Claude ; l’Église parlant à France ; Chant royal de la Conception Notre-Dame, et un autre Chant royal en l’honneur de Jésus-Christ [2].

(B) Quelques-uns disent qu’il fut élevé en qualité de page ;.... mais ils se trompent. ] C’est. M. de Rocolles, qui avance ce fait-là [3]. J’ai deux raisons à lui opposer ; car le Nicolas de Neufville, qui fut le premier de sa famille élevé au rang de secrétaire d’état, naquit l’an 1542 [4]. Il n’eut donc point pour page Clément Marot, qui avait alors plus de cinquante-cinq ans. Nicolas de Neufville son père mourut fort âgé l’an 1599 [5] ; mais cela n’empêche pas qu’on ne puisse dire qu’il naquit long-temps après notre poëte. Or on ne voit point de gentilshommes beaucoup plus jeunes que leurs pages. Voilà ma première raison. La seconde m’est fournie par un poëme où Marot raconte que depuis qu’il eut quitté son pays, il fut toujours à la suite de François Ier.

À bref parler, c’est Cahors en Quercy,
Que je laissay pour venir querre icy
Mille malheurs, ausquelz ma destinée
M’avoit submis. Car une matinée
N’ayant dix ans en France fus mené :
Là où depuis me suis tant pourmené,
Que j’oubliay ma langue maternelle,
Et grossement apprins la paternelle,
Langue françoise es grands cours estimée
Laquelle en fin quelque peu s’est limée.
Suyvant le roy François premier du nom,
Dont le savoir excede le renom,
C’est le seul bien que j’ay acquis en France
Depuis vingt ans en labeur et souffrance [6].


M. de Rocolles ajoute que Marot dédia à ce seigneur de Neufville une de ses poésies, sous le titre de Temple de Cupidon, et que l’épître par la-

  1. La Croix du Maine, pag. 242.
  2. Tiré de du Verdier Vau-Privas, Biblioth. française, pag. 718.
  3. Rocolles, Histoire véritable du Calvinisme, liv. V, pag. 153.
  4. Selon le père Anselme, Histoire des grands Officiers, pag. 273, il mourut l’an 1617, âgé de soixante-quinze ans.
  5. Anselme, là même.
  6. Marot, au poëme intitulé l’Enfer, pag. 42, édition de la Haye, 1700.