Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
MARETS.

prophète inconnu, qui doit venir délivrer le monde de la tyrannie de l’antechrist [1] ; et que les Perses croient que Mahomet Mahadi fils d’Hossen, second fils d’Ali, n’est point mort, et qu’il se tient dans un lieu caché, d’où il sortira un jour pour réfuter toutes les erreurs, et pour réunir tous les hommes à une même créance. Il prêchera à cheval, et commencera à le faire dans la ville de Mazadelle, où on lui tient toujours un cheval prêt [2]. Cela ressemble en quelque chose à l’opinion de plusieurs chrétiens touchant le prophète Élie. Il ne faut pas être surpris que l’on persuade de telles chimères aux mahométans, car le prince de Bassora peut leur faire accroire qu’il est le premier des favoris de Mahomet, et que son crédit est si grand auprès du prophète, que sur ses lettres de change on donne aux porteurs telle ou telle place dans le paradis. Il y a une banque chez lui pour l’expédition de ces lettres : il signe une police selon laquelle on acquiert la possession d’un certain endroit du ciel, plus ou moins avantageux, à proportion de la somme qu’on lui compte. Il principe di Bassora pretende esser de’ confidenti di Mahometto, ed haver maggior autorità degl’ altri, in virtù della quale concede a gente simplice pezze di cielo, segnando polize di cambio di tanto e tal sito nel paradiso, secondo il dinaro che ne riceve [3].

Disons en peu de mots qui était ce Pierre Sérarius, ou Serrurier, contre lequel M. des Marets écrivit. Je trouve à la page 297 d’un ouvrage [4] imprimé l’an 1670, qu’il était mort depuis peu, et qu’il y avait plus de quarante ans qu’il avait été déposé du ministère, pour les erreurs fanatiques de Swenchveldius dont il était tout cousu : qu’il publia un livret en faveur de Labadie l’an 1669, et l’intitula : Examen Synodorum, et l’adressa au synode wallon ; et qu’à la tête de ce livre il se qualifiait ministre de l’évangile de l’église universelle ; et que c’était un homme qui ne communiquait avec aucune église.

(K) Il fit beaucoup de tort aux jansénistes sans y penser. ] L’an 1651, il publia un ouvrage in-4o., dont voici le titre : Synopsis veræ catholicæque doctrincæ de gratiâ et annexis quæstionibus ; proposita partim libello qui anno superiori à jansenitis in communione romanâ gallicè prodiit sub hoc titulo, Catechismus gratiæ, et posteà recusus fuit sub isto, elucidationes quarundam difficultatum de gratiâ ; partim brevibus ad illam scholiis theologicis. Dès l’année suivante, on vit paraître à Paris un petit livre composé par les jésuites, et intitulé Les jansénistes reconnus calvinistes par Samuel des Marets, docteur et premier professeur en théologie en l’université de Groningue, et ministre ordinaire du temple académique, dans sa version latine du Catéchisme de la grâce des jansénistes, imprimée à Groningue l’an 1651. On emploie dans ce livret la préface que M. des Marets a mise au-devant de sa Synopsis, et l’on se prévaut de tout ce qu’il a remarqué, pour faire voir que dans les matières de la grâce et dans leurs annexes, les sentimens des jansénistes sont les mêmes que ceux de Calvin. Depuis ce temps-là, il paraissait peu de livres contre les jansénistes, où l’on ne leur reprochât la sympathie que le professeur de Groningue avait reconnue entre eux et sa secte. Comme cela fit beaucoup de chagrin et beaucoup de tort à ces messieurs, ils écrivirent violemment contre lui. M. Daillé l’en fit souvenir dans l’Apologie de l’Apologie des Synodes nationaux d’Alençon et de Charenton [5]. Hoc ne nesciat, narra illi istos, quos tantoperè prædicat, jansenianos, quos cordatos dicit, quos gravissimos argumentatores censet ; hos inquam ipsos narro jam antè quadriennium tres libellos longè sacerrimos ac nequissimos, convitiis et malediciis prodigiosis refertos, contrà ipsum edidisse ; in quibus, quod credo, ausus esset iis malè palpari, ita ferociter recalcitrant, ut nihil mitius cogitâsse videan-

  1. Ne testamenti a fanno legati à certo profeta incognito, che dee venir liberar il mondo dalla tirannide del Antichristo. Giornale de’ Letterati, du 31 de mars 1673, pag. 33, dans l’Extrait del Viaggio all’ Indie Orientali del P. F. Vincenzo Maria di S. Caterina da Siena, procuratore generale de’ carmelitani scalxi.
  2. Ibidem.
  3. Ibidem.
  4. Intitulé : Modeste Réfutation de la Déclaration en forme de manifeste publié par Jean de Labadie
  5. Dallæus, in Vindicis apologiæ pro duabus Synodis, part. I, cap. VI, pag. 130, 131.