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MARETS.

Simplicii Verini nomine refutatam scribit, cùm tamen à Maresio sub Johannis Simplicii nomine refutata fuerit[1]. J’ai trois choses à dire contre cela. 1o . Il est très-certain que Saumaise a pris le nom de Simplicius Verinus dans deux ouvrages qu’il publia contre Grotius, l’an 1646 : mais ces ouvrages ne regardent point le Traité de l’Antechrist : l’un regarde la Discussion de l’Apologie d’André Rivet, avec qui Grotius avait été long-temps en guerre sur la réunion des chrétiens : l’autre traite de la Transsubstantiation. Voici le titre du premier : Simplicii Verini ad Justum Pacium Epistola, sive Judicium de Libro posthumo H. Grotii. 2o . M. des Marets ne déguisa point son nom, lorsqu’il écrivit contre Grotius au sujet de l’antechrist ; car il mit au frontispice de son livre tout ceci : Dissertatio de Antichristo, quâ expenditur et refutatur nupera commentatio ad illustriora eâ de re Novi Testamenti Loca, Il. V. Hugonis Grotii creditæ ; simulque ecclesiarum reformatarum sententia de Antichristo Romano defenditur et confirmatur ; authore Samuele Maresio, SS. theol. doctore et professore, in scholâ illustri Sylvæducensi, nec non ibidem ecclesiæ Gallo-Belgicæ pastore[2]. 3o . Le socinien Jonas Schligtingius se déguisa sous le nom de Joannes Simplicius pour écrire contre le Traité de Grotius de Antichristo. Cela paraît par la Bibliothéque des Antitrinitaires, à la page 128. Voilà sans doute l’origine de l’erreur de Matthieu Polus, qui n’a pas été bien censurée par M. Ittigius. Vous remarquerez en passant que l’ouvrage de cet auteur socinien a été mis dans la vaste compilation qu’on appelle les grands critiques. Notez que Grotius ne garda pas le silence par rapport à des Marets. Il publia un Appendix ad Interpretationem locorum Novi Testamenti quæ de Antichristo agunt aut agere putantur, où il le traita assez mal. Il ne daigna pas le nommer ; il se contenta de le désigner sous le mot injurieux de Borborita, par allusion au mot français bourbe, qui a une grande convenance avec les marais. Cet Appendix fut vigoureusement réfuté par un ouvrage qui fut imprimé en deux volumes in-8o., l’an 1642, et qui a pour titre : Concordia discors et Antichristus revelatus : id est Ill. Viri Hugonis Grotii Apologia pro Papâ et Papismo : quàm prætex tu Concordiæ inter Christianos sarciendæ, exhibet illius Appendix ad Interpretationem Locorum Novi Testamenti de Antichristo, modestè refutata duobus libris, per Samuelem Maresium S. theol. doctorem et professorem in scholâ Buscoducensi et eccl. Gallo-Belgicæ ibidem ministrum. On reprocha entre autres choses à Grotius dans cette réplique, qu’il n’avait pas assez ménagé les droits des rois[3]. Ceci sans doute est singulier ; car Grotius est réfuté tous les jours, sur ce qu’il a trop soumis les peuples à la puissance royale[4]. Qu’on nous vienne dire après cela que les luthériens sont les seuls qui approuvent les maximes de Grotius[5] : voici un ministre calviniste qui ne trouve pas que Grotius ait parlé assez favorablement de la monarchie. M. de Meaux[6] a trouvé la même chose, et bien des inconséquences dans les hypothèses de Grotius.

(E) Il eut mille peines à dévorer depuis que le duc de Bouillon eut épousé une femme catholique. ] Ce mariage jeta M. des Marets dans mille embarras[7]. Le duc s’était engagé à l’abjuration quand il épousa mademoiselle de Berghes[8] ; mais plusieurs raisons l’obligeaient à différer l’accomplissement de sa promesse. Or, afin de faire croire qu’il voulait changer par des motifs de conscience, il proposait mille doutes à son ministre ; il traîna ainsi quatre ou cinq ans.

  1. Acta Eruditor., Lips., 1690, pag. 313.
  2. Cet ouvrage fut imprimé l’an 1640, in-8o .
  3. Id præsertim tolerari non potest in Grotio, quòd satis apertè negat reges esse institutionis divinæ, quandòquidem judicibus illis eximiis, quorum institutio à Deo, ut apparet num. XI, 16, opponit reges, quos voluntas primum populi reperit. Sam. Marestus, in Antichristo revelato, tom. I, pag. 345.
  4. Voyez l’Histoire des Ouvrages des Savans, mois de novembre 1695, pag. 127.
  5. Avis important aux réfugiés, p. 216, 217.
  6. Voyez son Ve. avertissement contre M. Jurieu.
  7. Ex conjugio ducis Bullionæi cum Berghensi comitissâ, exumiæ formæ et sublimis ingenii fœminâ, sed supra modum pontificia, nova fuerunt certamina illi sustinenda. Vitæ professor. Groning., pag. 148.
  8. Quam deserturum harum nuptiarum gratiâ jam antè clam receperat. Ibidem.