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MARCA.

l’an 1681, par les soins de M. Baluze. Notez que M. de Marca, ce grand auteur, ne dédaignait pas d’exercer sa plume sur des choses qui étaient plus convenables à un moine qu’à un conseiller d’état. Il l’était quand il composa l’Histoire de Notre-Dame de Bétaram [1], à la prière d’un prêtre dévot, nommé Charpentier, qui était le fondateur de cette chapelle, comme il le fut depuis de celle du mont Valérien, près de Paris. Cette Histoire fut publiée à Barcelone [2].

(E) Il écrivit au pape une lettre qui méritera une remarque. ] La translation d’un évêque d’un siége à un autre a besoin d’une faveur particulière de la cour de Rome : c’est pourquoi M. de Marca, évêque de Conserans, se voyant nommé à l’archevêché de Toulouse, rendit ses respects au pape le plus adroitement qu’il lui fut possible ; et quoiqu’il sût qu’Exupère, évêque de Toulouse, n’était pas le même Exupère qui avait commandé en Espagne, ne laissa pas de le débiter comme un fait certain, dans la lettre qu’il écrivit à Innocent X. Il trouvait à faire par ce moyen un parallèle agréable entre le pape Innocent Ier. et le pape Innocent X, et entre lui-même et cet Exupère [3] : c’est pourquoi il ne balança point à étaler ce beau mensonge, qu’il crut propre à chatouiller le pape, et à le lui rendre plus favorable. Quelqu’un observa que c’était une fausseté ; mais M. de Marca, averti de cette critique, ne fit qu’en rire, et traita de petit esprit un tel censeur, qui ne voyait pas la différence entre une lettre de compliment et une histoire. M. Baluze a si bien narré ceci, et en termes si bien choisis, que ce serait faire tort aux lecteurs habiles que de ne pas rapporter ici son latin. On y trouvera une plus ample matière de réflexions que dans le précis que j’en ai donné. Sciebat sanè vir eruditissimus diversum ab Exuperio episcopo Tolosano fuisse Exuperium illum, qui præsidatum in Hispaniis egit. Quis enim ignorat ? Verùm cùm argumentum esset accommodatissimum ad rem quam tractabat, sciretque prætereà principum aures ita esse formatas, ut nihil nisi jucundum lætumque accipere velint, vim aliquam inferre veritati non abnuit, ut pontificem alioqui difficilem ac morosum, sibi faventem ac propitium habere posset. Quod ideò retuli, ut eatur obviam scrupulosæ cujusdam scriptoris diligentiæ ; qui in adversariis suis adnotavit lapsum heic esse Marcam : de quo admonitus a me vir optimus paucis antè obitum mensibus, risit hominis supinilatem, qui non animadverteret cujusmodi argumentum in eâ epistolâ tractaretur. Neque enim historia scribebatur. Non displicet profecto hominibus eruditis, quod oratores veri limites nonnunquàm excedunt in compositione verborum, ut auditorum aures aliquâ voluptate permulceant, et alliciant [4]

(F) Dans l’assemblée du clergé de 1656 il fut contraire aux jansénistes. ] Ce fut un malheur pour eux que ce grand prélat eût trouve à Rome de si grandes difficultés, quand il eut besoin d’une bulle pour être évêque de Conserans. Cela lui apprit qu’il ne fallait perdre aucune occasion de réparer le dommage que lui avait fait en ce pays-là sa Concorde de l’empire et du sacerdoce. Or quelle occasion pouvait-il attendre plus favorable, que celle de seconder la cour de Rome dans les procédures contre les disciples de Jansénius ? Joignez à cela qu’on l’avait rendu suspect de jansénisme au delà des monts, et que ce mauvais office avait retardé longtemps l’expédition de la bulle qui lui était nécessaire pour être archevêque de Toulouse. Je ne sais si parmi plusieurs écrits qui ont été composés sur la calomnie, on s’est jamais avisé d’en faire sur l’utilité de ce crime. Ceux qui voudraient s’exercer sur cette matière seraient bien blâmables, s’ils oubliaient l’avantage que l’on retire de la calomnie dans les disputes de religion ; car il y a tel homme fort agissant qui se tiendrait neutre, ou qui tâcherait de pacifier les choses

  1. Dans Le Béarn, au diocèse de Lescar.
  2. Tiré de la Vie de M. de Marca, composée par l’abbé Faget, pag. 43.
  3. O me felicem, quandò veteris illius atque sanctissimi sacerdotis Exuperii exemplo, (qui ex præsidatu in Hispaniis acto cathedram illam suscipiens, eam deindè rexit juxtà pium atque prudens Innocentii I ad ejus consulta (responsum) licebit per Innocentii X decretum, post gestos magistratus regios in Galliâ et Hispaniâ, episcopatus quoque curis functo mihi, Tolosanæ Sedis administrationem capessere, Baluzius, de Vitâ de Marca, pag. 53.
  4. Idem, ibid., pag. 53, 54.