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MAIMBOURG.

assemblée. La cinquième est la méthode pacifique et sans dispute, fondée sur le synode de Dordrecht, que toutes les églises P. R. de France ont reçu, et qui a défini par l’Écriture-Sainte, que quand il y a contestation sur quelque article controverse entre deux partis qui sont dans la vraie église, il s’en fallait rapporter à son jugement, sur peine à celui qui refuse de s’y soumettre, d’être coupable de schisme et d’hérésie. C’est en cela effectivement que consiste toute la force de la méthode du père Maimbourg. Il montre par la conduite qui fut tenue en Hollande, lorsqu’il s’y éleva des disputes entre Les arminiens et les gomaristes, que selon la doctrine des protestans, c’est à l’église dans le sein de laquelle il se forme des contestations à faire droit aux parties, en décidant qui a tort ou qui a raison ; et qu’ensuite de son jugement définitif, il faut qu’elles cessent de disputer, et que ceux qui ne veulent pas se soumettre à la décision soient réputés hérétiques, et soient retranchés du corps comme des rebelles. Suivant ce principe, dira-t-on, les protestans doivent reconnaître que c’était au concile de Trente à prononcer en dernier ressort sur les disputes de Luther et de Calvin ; et qu’après la décision de ce concile il n’a plus été permis de se quereller, mais qu’il a fallu que chacun se conformât à l’arrêt définitif avec les docteurs romains, à peine de mériter les foudres de l’excommunication, comme un hérétique, et comme un rebelle. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner si cet argument ad hominem a quelque force [1] : il suffit de dire que l’église protestante ne saurait être blâmée d’avoir établi un ordre sans lequel il est impossible qu’aucune société puisse subsister. Il faut que dans toutes les sociétés il y ait un tribunal qui prononce en dernier ressort sur les disputes des particuliers, et qui ait le droit d’infliger les peines de la rébellion à ceux qui refusent de se soumettre à ses arrêts [* 1], car autrement il ne serait pas possible de remédier à aucun désordre, ni d’empêcher que les disputes ne durassent éternellement. Je sais bien que l’on objecte qu’à ce compte il n’y a point d’autre différence entre l’église romaine et l’église réformée, à l’égard de l’autorité, si ce n’est que l’une déclare qu’elle est infaillible, et qu’il n’est point permis aux particuliers d’examiner ses décisions ; au lieu que l’autre se reconnaît faillible, et permet aux particuliers d’examiner tout, pourvu qu’enfin ils se soumettent à ses arrêts : je sais bien, dis-je, que l’on objecte qu’à ce compte la voie de l’autorité n’est pas moins le dernier refuge pour les protestans que pour les papistes ; mais je sais aussi ce que répondent les protestans. Trois de leurs auteurs [2] ont réfuté cette méthode du père Maimbourg. Celui que je nomme le dernier a pris le meilleur expédient qui se pouvait prendre : ses réflexions sont belles et bonnes ; mais il ne s’est pas toujours aperçu si ses réponses étaient un paralogisme. J’en vais donner un exemple.

Il se propose cette objection dans la page 347. « Si l’on n’est pas obligé de se soumettre aux décisions des conciles et des synodes ; s’il est toujours permis d’en appeler ; si chacun est en droit de regarder ces décisions comme de simples conseils, et de les rejeter quand on ne les juge pas conformes à la parole de Dieu ; il n’y aura pas de moyen de vider aucune controverse, ni de la terminer [3]. » Il répond entre autres choses que ceux qui font si fort valoir cette difficulté, ne la lèvent point par le dogme de l’infaillibilité de l’église. Il le prouve [4]

  1. * Leclerc et Joly reconnaissent que le principe est raisonnable ; mais ils reprochent à Bayle de le contredire en plusieurs endroits de son Dictionnaire, et entre autres, dans la remarque (D) de l’article Pellisson, tom. XI, où il rapporte un passage de la Placette.
  1. M. Jurieu, Traité de la Puissance de l’Église, pag. 323, avoue qu’il y a de l’adresse et de l’esprit dans ce livre de Maimbourg ; et pag. 325, que le tour qu’il donne à la difficulté a quelque chose d’éblouissant, et jette dans l’esprit l’idée d’une assez grande difficulté.
  2. Savoir : 1°. M. Lenfant, ministre de Chatillon-sur-Loing, père de M. Lenfant, ministre à Berlin, 2°. Un cousin du père Maimbourg, dont je parlerai ci-dessous. 3°. M. Jurieu, dans ses Lettres sur la Puissance de l’Église, imprimées à Rouen, l’an 1677.
  3. Jurieu, Traité de la Puissance de l’Église, VIIe. lettre, num. 9, pag. 347.
  4. Là même, pag. 348.