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LUGO.

Il se disait pourtant de Séville, parce que son père y faisait sa résidence ordinaire (A). Des l’âge de trois ans il fit paraître son esprit ; car il savait lire les imprimés et les manuscrits. Il soutint des thèses à quatorze ans, et il fut envoyé à Salamanque aussitôt après, pour y étudier en jurisprudence. À l’imitation de son frère aîné, et nonobstant les oppositions de son père, il se fit jésuite, le 6 de juillet 1603. Il acheva son cours de philosophie chez les jésuites à Pampelonne, et il étudia en théologie à Salamanque. Après la mort de son père, il fut envoyé à Séville par ses supérieurs, pour se mettre en possession de son patrimoine, qui était fort considérable. Il le partagea du consentement de son frère entre les jésuites de Séville et les jésuites de Salamanque. Il régenta la philosophie pendant cinq ans [a], après quoi on lui fit professer la théologie à Valladolid. Le succès avec lequel il remplissait cet emploi, le fit juger digne d’une chaire plus éminente : ainsi, la cinquième année de cette profession, il reçut ordre d’aller à Rome, pour y enseigner la théologie. Il partit au mois de mars 1621, et après avoir essuyé plusieurs dangers dans les provinces de France qu’il traversa, il se rendit à Rome au commencement de juin de la même année. Il y professa la théologie pendant vingt ans, avec une extrême réputation, car il entendait à fond la scolastique ; il choisissait les opinions qu’il soutenait, et il savait joindre admirablement la brièveté avec la clarté [b]. Il s’attachait uniquement à son emploi, sans s’amuser à faire la cour aux cardinaux, et à fréquenter les ambassadeurs. Il ne songeait point à publier quelque chose ; mais on lui ordonna de le faire, et son vœu d’obédience ne lui permit pas de résister. Il fit imprimer sept gros volumes in-folio (B), dont il dédia le quatrième à Urbain VIII. Ce pape le fit cardinal le 14 de décembre 1643. On rapporte des choses fort singulières sur le peu d’ambition de ce jésuite (C). Pendant qu’il fut cardinal il se montra fort charitable envers les pauvres : il distribuait libéralement du quinquina à ceux d’entre eux qui avaient la fièvre (D). Il mourut le 20 d’août 1660, laissant ses biens aux jésuites de la maison professe de Rome, et voulut être enterré aux pieds d’Ignace de Loyola, fondateur de l’ordre [c]. Il inventa l’hypothèse des points enflés (E), pour se tirer des objections accablantes que l’on fait, tant contre les parties divisibles à infini, que contre les points mathématiques. Un fragment d’une de ses lettres nous a découvert un mystère assez curieux (F) : c’est qu’il y a quelquefois une fine politique dans la dévotion pour la Sainte Vierge.

On prétend qu’il est le pre-

  1. Nicolas Antonio, Biblioth. Scriptor. Hispan., tom. I, pag. 556, dit que de Lugo enseigna la philosophie à Medina-del-Campo.
  2. Erat quippè in seligendis melioribus sententiis prestantis judicii, in explicandis iisdem eximiæ claritatis, et cum perspicuitate, quod rarum est, conjungebat congruam brevitatem. Nat. Sotuel., Biblioth. Scriptor. societ. Jesu, pag. 471, 472.
  3. Nat. Sotuel, Biblioth. Script. societ. Jesu., pag. 471, 472.