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LIPSE.

imprimé sur l’original la harangue de duplici Concordiâ ; sur son original, dis-je, très-bien écrit. Ego bellè et mundulè scribo ? dit-il[1]. Vellem, sed totum Europam testem καλλιγραφίας hujus habeo, et querelas quòd autographa mea ægrè vel non legant. Confirmons cela par ce passage de Gabriel Naudé[2]: « Ce digne écolier de notre Muret, M. Antonius Bonciarius de Pérouse, se plaignait un jour, qu’il ne pouvait lire que les deux ou trois premières lignes des lettres que Lipse lui écrivait, parce que tout le reste était griffonné d’une étrange sorte. Nancélius en disait autant de l’écriture de Ramus. »

(H) Sa conversation et sa mine ne répondaient point à l’idée qu’on s’était faite de lui. ] Voici l’aveu d’Aubert le Mire[3] sur ce fait-là : In gestu, cultu, sermone, modicus fuit : adeò ut plerique, quibus magnos viros per ambitionem æstimare mos est, viso aspectoque Lipsio quærerent famam, pauci interpretarentur[* 1]. Constat certè exteros, quos ab ultimâ etiam Sarmatiâ, ejus videndi audiendique gratiâ (ut olim magni illius Livii) frequenter venisse scimus, cùm Lipsium viderent, eundem sæpè requisivisse.

(I) Ses amis ne l’abandonnèrent point … à la critique de ses adversaires. ] Le jésuite Scribanius, selon l’espérance de Lipse[4], se porta pour son défenseur. Voyez son Orthodoxæ fidei controversa, sa Defensio Lipsii posthuma, etc. Claude Dausquéius, chanoine de Tournai, publia l’an 1616, un livre qu’il intitula D. Mariæ Aspricollis ΘΑΥΜΑΤΟΥΡΓΟΥ Scutum … alterum item J. Lipsii Scutum : utrumque adversùs Agricolæ Thracii satyricas petitiones. Il veut dire qu’il répond à un ouvrage que George Thomson, Écossais, publia à Londres, l’an 1606, sous ce titre : Vindex veritatis adversùs Justum Lipsium libri duo. Prior insanam ejus religionem politicam, fatuam nefariamque de Fato, sceleratissimam de fraude doctrinam refellit. Posterior ψευδοπαρθένου Sichemiensis, id est Idoli Aspricollis, et Deæ ligneæ miracula convellit. Uterque Lipsium ab orco Gentilismum revocâsse docet. Voyez la remarque (A) de l’article Lingelsheim, citation (12). Je ne parle pas de ceux qui l’ont attaqué ou défendu sur des matières de littérature. Vincent Contarini, successeur de Sigonius dans la chaire de Padoue, critiqua[5] assez doctement Juste Lipse, l’an 1609, circà frumentariam Romanorum largitionem et militare Romanorum stipendium.

Garasse, qui lui donna deux coups de dent, fut bien repoussé. Il prétendit[6] que le dogme de Lipsius sur la destinée est une vraie chimère sans fondement, et le blâma[7] d’avoir dressé des mausolées à ses trois petits chiens, dont le premier s’appelait Mopsus, le second Sapphirus, le troisième Mopsulus, comme il se voit dans le livre qui porte pour titre : Deliciæ christiani orbis. Je ne puis agréer, continue-t-il, toutes ces inventions ridicules et profanes, d’autant que c’est dire en bon français, quoique l’intention des auteurs puisse être bien différente, unus interitus est hominis et jumentorum, et æqua est utriusque conditio. Le censeur de la Doctrine curieuse de ce jésuite soutient[8] que le destin enseigné par Lipsius est conforme au sentiment de Thomas d’Aquin. Il rapporte[9] qu’Aubertus Miræus… n’a pas oublié l’affection que Lipsius avait aux chiens, et le nom même de trois qu’il avait chéris sur les autres… il les avait fait peindre en un tableau avec leur nom à chacun d’eux, leur âge, leur poil et quelques vers au-dessous, où il avait rencontré non moins ingénieusement que plaisamment : vers et inscriptions qui sont

  1. (*) Tacitus in Vitâ Agricolæ.
  1. Lipsius, epist. LXVIII, centur. ad Germanos et Gallos, pag. m. 701.
  2. Dialog. de Mascurat, pag. 363.
  3. In Vitâ Lipsii, pag. 32.
  4. Heus ! importune, qui jam abeuntem et majora magisque seria meditantem, supervacuò lacessis : si opus et usui fuerit, non deerit amica aliqua manus (et Carolum Scribanium… designabat) quæ Lipsium non patietur inultum. Miræus, in Vitâ Lipsii, pag. 25.
  5. Son livre fut réimprimé à Wésel, l’an 1669, in-12.
  6. Garasse, Doctrine curieuse, pag. 343.
  7. Là même, pag. 904.
  8. Censure de la Doctrine curieuse, pag. m. 159.
  9. Là même, pag. 162.