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HENRI III.

tine, mais de ce qu’il avoit de faire. »

(Q) On lui avait fait goûter de reconnaître pour son successeur le fils aîné du duc de Lorraine. ] M. de Schomberg détourna le coup : j’ai la copie [1] d’un mémoire qu’il dressa sur ce sujet, et qui m’a paru très-digne d’être inséré ici tout du long.

« Mémoire du sieur de Schomberg.

 » Quelque temps après la mort de messieurs de Guise avenue à Blois, il fut proposé par le cardinal de.... de la part de sa sainteté, que si sa majesté vouloit déclarer le marquis du Pont, son neveu, heritier de la couronne, et le faire recevoir pour tel avec les solennitez requises, que sa sainteté s’assûroit que le roy d’Espagne bailleroit l’infante en mariage audit sieur marquis, et qu’en ce faisant tous les troubles de France prendroient fin. A quoy le roy estant prest à se laisser aller, et ce par la persuasion de quelques-uns qui pour lors estoient prés de sa majesté, M. de Schomberg rompit ce coup par telles raisons : Que ce seroit invertir l’ordre de France, abolir les lois fondamentales, laisser à la postérité un argument certain de sa lascheté et pusillanimité, dont sa majesté à bon droit seroit blasmée par les histoires, et ses serviteurs et sujets notez de perfidie et déloyauté, duquel vice, quant à luy, il ne vouloit estre taché : Que cette guerre étoit entre les François contre les François, lesquels de prime face se montrent chauds, et puis après se reduisoient eux-mêmes à la raison : Que sa majesté ne mist peine qu’à vivre, gagner le temps, et se donner de garde de quelque méchant déterminé, qui en ces prémieres fureurs pouroit entreprendre contre sa personne, pour à quoy remedier sa majesté commandast luy estre fait une camisolle œilletée pour la porter ordinairement. Chose qui fut bien arrestée, mais point executée. Ayant donc ledit sieur de Schomberg fait changer d’avis au roy par la remontrance susdite, sa majesté luy commanda de luy dire, par quels moyens il pensoit qu’elle pust appaiser cette émotion d’armes. A quoy ledit sieur de Schomberg ayant incontinent satisfait, supplia le roy de ne s’arrester plus aux maximes que jusqu’ici il avoit tenues, et de ne s’imaginer que cette affaire pouvoit estre accommodée par son accoutumée connivence et douceur ; ainsy, qu’il falloit qu’il se resolust à user de la force des armes, et qu’il se rendist le plus fort en la campagne ; qu’à cet effect il falloit qu’il contremandast M. de Nevers qui pour lors étoit devant la Garnache, donnast assurance au roy de Navarre de se retirer avec ses forces aupres de luy pour l’assister, envoyer en Allemagne, Italie, Angleterre, Dannemarck, et envers tous les potentats pour leur faire entendre la justice de sa cause et la conséquence d’icelle, les priant de le secourir de leurs moyens pour dresser une grosse armée de forces étrangères. Cette proposition fut fort disputée, et principalement par M. de Nevers, mesme jusqu’à dire qu’elle étoit hérétique ; que le pape n’y pas un des catholiques ne trouveroient bon de voir ledit roy de Navarre prez de sa majesté. Au contraire, M. de Schomberg demeurant ferme disoit que cette guerre ne touchoit en façon quelconque la religion, ains l’estat, et que sa majesté ne pouvoit se servir de personne du monde avec tant de fiance que dudit sieur roy, pour estre iceluy interessé à la conservation de sondit estat, avec plusieurs autres belles raisons qu’il y ajoûta, lesquelles eurent tant de forces, que des lors le traicté avec ledit roy commença à Blois, et fut depuis exécuté à Tours où la prémiere entreveue se fit entre les deux rois. Donc à juste occasion fut le service signalé que ledit sieur de Schomberg fit lors à la France en ces deux points, nom-

  1. Elle m’a été communiquée par M. Marais (dont on a parlé, tom. VII, pag. 395, à la fin de la remarque (Q) du troisième duc de Guise), avocat au parlement de Paris, et il y a joint cette note : Dans une instruction d’Henri III au sieur de la Clyette, allant à Florence, je trouve que ce M. de Schomberg est nommé conseiller de sa majesté, en son conseil d’état, et maréchal de ses gens de guerre allemands.