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HOSPITAL.

chancelier Olivier, dit-il [1], ne fit point scrupule de comparer publiquement les Français aux singes, qui grimpent de branche en branche, et montrent le cul quand ils sont au haut de l’arbre. Nous allons voir qu’un avocat au parlement de Paris attribue cette comparaison au chancelier de l’Hospital. Cet avocat n’est guère connu que sous le nom de Guthérius [2], que l’on pourrait traduire en cinq ou six façons différentes, sans s’écarter de l’analogie selon laquelle les Français ont latinisé leurs noms. Cela soit dit en passant. Voici le fait. Sæpè ego audivi à fori nostri principibus vivis, Michaëlem Hospitalium Franciæ cancellarium, cui nulla ætas habuit parem, solitum dicere, multos, qui ad honores à fortunâ pelluntur, simiarum esse simillimos, quæ altiorem arborem nactæ, eousque conscendunt, ut cùm ad summum arboris fastigium evaserint, foliis vento stridentibus opertæ totæ posteriora tantùm prætereuntibus ridiculè ostentant [3]. On a mille exemples qui prouvent que la même pensée se débite avec des attributions à différentes personnes. J’en citerai un seulement qui a du rapport au règne sous lequel notre M. de l’Hospital a eu la charge de chancelier. « On disait un jour à M. de Villeroy, qu’il était l’homme du monde qui pouvait le mieux écrire l’histoire de Charles IX, comme ayant eu part à tout ; et qu’à cause de cela il la devrait écrire. J’ai trop d’obligation, répondit-il, à ce prince, et j’aime trop sa mémoire, pour faire son histoire [* 1] ; voulant dire que les vérités qu’il serait obligé de rapporter seraient honteuses à ce roi [4]. » Voilà ce que dit l’auteur du livre de la Fatalité de Saint-Cloud ; mais M. le Laboureur [5] rapporte que Morvillier fit cette réponse. J’aimerais mieux suivre cette dernière tradition.

(P) Il marqua dans son testament le penchant qu’il avait eu pour la paix. ] Il voulut bien, dans ce dernier acte de sa vie, se faire honneur de la même chose dont Cicéron s’était vanté en plein sénat. Quo quidem in bello, disait ce grand orateur romain, semper de pace agendum, audiendumque putavi ; semperque dolui, non modò pacem, sed orationem etiam civium pacem efflagitantium repudiari ; neque enim ego illa, nec ulla unquàm secutus sum arma civilia : semperque mea consilia pacis, et togæ socta, non belli, atque armorum fuerunt..…. Quod qui meum consilium minimè obscurum fuit, nam et in hoc ordine, integrâ re, multa de pace diri, et in ipso bello eadem etiam cum capitis mei periculo sensi [6]. Il n’y a presque rien là que M. de l’Hospital n’eût pu dire : mais voici ce qu’il a écrit dans son testament [7] : « Je puis asseurer que jaçoit que les armes ayent esté prises par quatre fois, et qu’on ayt donné bataille par quatre ou cinq fois, j’ay toujours conseillé et persuadé la paix, estimant qu’il n’y avoit rien si dommageable à un païs qu’une guerre civile, ny plus profitable qu’une paix à quelque condition que ce fust [8]. » Ayant ensuite parlé des ennemis que cette maxime lui attira, ct des malheurs où la France fut plongée, etc., il ajoute [9] : « Je fis place aux armes, lesquelles estoyent les plus fortes, et me retiray aux champs avec ma femme, famille et petits enfans, priant le roy ct la reine, à mon partement, de cette seule chose, que puis qu’ils avoyent arresté de rom-

  1. (*) Ce mot qui dans Matthieu, Histoire de Louis XI, pag. 571, édition de 1610, est d’un certain seigneur à un M. de Tinteville, qui lui avait dit qu’autre que lui ne pouvait mieux écrire la Vie de son feu maître, pourrait bien être originairement du chancelier Morvillier, à qui le roi Louis XI avait fait l’affront de le désavouer de quelques duretés qu’il l’avait pourtant chargé de dire de sa part au comte de Charolais. Rem. crit.
  1. Costar, Suite de la Défense de Voiture, pag. 180.
  2. Son nom français était Goutière, comme je l’apprends du sieur Guichenon, pag. 36 de l’Histoire de Bresse.
  3. Jacobus Gutherius, de Jure Manium, lib. II, cap. XXVI, p. 351, edit. Lips., 1671.
  4. Fatalité de Saint-Cloud. J’ai parlé de ce livre-là dans l’article Henri III, dans ce volume, à la citation (89) et au dernier alinéa de la remarque (R).
  5. Le Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. I, pag. 522.
  6. Cicero pro Marcello, cap. V.
  7. Testament de Michel de l’Hospital, rapporté par Colomiès, Bibliothéque choisie, pag. 60.
  8. Voyez les Lettres de Pasquier, liv. X, pag. 626 et suiv. du Ier. tome, où il représente le malheur des guerres civiles.
  9. Testament, etc. Bibliothéque choisie, pag. 62.