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HÉLOÏSE.

multis diebus ante eam defunctus fuerat, elevatis brachiis illam recepit, et ita eam amplexatus brachia sua strinxit. Mais d’où vient donc qu’ils ne sont pas dans le même monument ? François d’Amboise, qui nous conte qu’il a vu au Paraclet le tombeau du fondateur et celui de la fondatrice l’un auprès de l’autre, contigua fundatoris et fundatricis sepulcra, devait soudre cette petite difficulté.

(Z) ..... On a des exemples de pareilles choses. ] Voyez ce que Grégoire de Tours rapporte[1] de deux personnes mariées qui demeurèrent toujours vierges, et que les habitans du pays[2] nommèrent les deux amans. La femme mourut la première ; le mari en l’enterrant se servit de cette oraison : Je vous remercie, ô mon Seigneur et mon Dieu, de ce que je vous rends ce trésor dans la même pureté qu’il vous avait plu de me le confier. La femme se mit à sourire, et pourquoi, lui dit-elle, parlez-vous d’une chose qu’on ne vous demande pas ? Le mari mourut peu après, et on l’enterra vis-à-vis de son épouse ; mais le lendemain on trouva les deux corps ensemble au même tombeau. Cette brusque interrogation pourrait faire croire à quelque profane, que l’épouse vierge n’aimait pas que le monde sût que son mari eût été si froid. Elle se borna au mérite de sa continence, sans vouloir être exposée aux opinions qu’on pourrait former au préjudice de ses agrémens. Ce n’est pas ainsi qu’on doit garder ce dépôt : ce n’est pas bien le restituer, que de le rendre tout tel qu’on l’a reçu ; ce n’est pas pour cela que Dieu a institué le mariage,

... non hos quæsitum munus in usus.


On peut donc n’être pas bien aise que le public puisse penser qu’on n’a pas assez plu au dépositaire. Mais l’historien remédiera à cet inconvénient, si vous consultez le chapitre XXXII de la Gloire des Confesseurs, où le discours de la défunte est un peu mieux tourné. Dix chapitres après il raconte qu’un sénateur de Dijon, nommé Hilaire[3], couché au sépulcre depuis un an, leva la main afin d’embrasser sa femme au cou, lorsqu’on la mettait au même tombeau.

  1. Histoire des Français, liv. I, ch. XLII.
  2. Clermont en Auvergne.
  3. Voyez les Notes de M. l’abbé de Marolle, sur Grégoire de Tours, tom. II, pag. 283.

HELVICUS (Christophle), professeur en théologie, en grec et aux langues orientales, dans l’académie de Giessen, était ne le 26 de décembre 1581 à Sprendlingen [a], où son père était ministre (A). Ce ne fut pas un de ces esprits tardifs qui ne se produisent que sur l’arrière-saison : il fut capable avant l’âge de vingt ans d’enseigner le grec et l’hébreu, et même la philosophie ; et il avait fait une infinité de vers grecs à l’âge de quinze ou seize ans. Ce fut à Marpourg qu’il fit ses études. Il y reçut le degré de maître ès arts l’an 1509. Il aurait pu l’obtenir plus tôt, s’il avait voulu ; car il fut reçu bachelier à l’âge de quatorze ans[b]. Il se rendit si familière la langue hébraïque, qu’il la parlait comme sa langue maternelle. Il lut à fond une infinité d’auteurs grecs ; il étudia même quelque temps en médecine, quoiqu’il se fût consacré au ministère. Enfin il donna tant de témoignages de sa capacité, qu’il fut choisi, l’an 1605, pour enseigner le grec et l’hébreu dans le collége que le landgrave venait d’ériger à Giessen[c]. L’année suivante l’empereur conféra à ce collége le titre d’université, avec les priviléges qui en dépen-

  1. C’est un bourg, à une demi-lieue de Francfort.
  2. Quarto decimo ætatis anno, perraro exemplo baccalaureatûs gradum consecutus. Christoph. Scheiblerus, in Programmate de funere Helvici. Il faut que le baccalauréat, en Allemagne, ne soit point ce qu’il est ailleurs.
  3. Konig se trompe : il le fait professeur à Marpourg.