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FRANÇOIS Ier.

servons pour les dire en temps plus opportun, nous sommes fidelement retirez par devers très-illustres et excellens princes messieurs les ducs de Saxe, landgraff de Hessen, et autres seigneurs protestans, pour les advertir que nous sommes deliberez et leur promettons nommément et sans aucun respect de le faire prescher au duché de Luxembourg, dont nous esperons ledit seigneur roy nous laissera jouir paisiblement et d’autres terres qui nous appartiennent de droit de guerre. Mais nous vouldrions qu’il pleust auxdits seigneurs protestans nous recevoir en alliance et confédération offensive et deffensive avec eux : lesquels nous requerons très-instamment ne vous vouloir refuser ceste tant juste et raisonnable requeste ; non pour nous aider de leur support, forces, et aide contre aucun prince particulier, ains seulement en ce qui concerne le faict de la religion chrétienne, dont nous desirons grandement et avant toutes choses l’augmentation ; laquelle par ce moyen pourra facilement venir en lumieres en nos aultres terres, et audit royaume, quand icelluy seigneur roy notre pere nous verra estre ainsi allié avec mes-dits seigneurs, qui seront cause de lui faire déclarer le bon zêle qu’il y a en cest endroit, et si nous pourrons tousjours excuser envers luy et deffendre à l’encontre de nos adversaires. A ceste cause il plaira aux-dits seigneurs que dès lors que ferons commencer de prescher le-dit Évangile au-dit duché de Luxembourg, à l’heure mesme commence notre alliance et confédération avec eux [1]. » Voici la reflexion de M. le Vassor. Il y a grande apparence que le duc d’Orleans ne fit point cette demarche à l’inscu de son pere. Il parle trop hardiment du bon zêle de François Ier. : il offre trop libéralement toute la puissance de ce roi : il donne de trop grandes espérances de ce qui se fera dezque les protestans l’auront reçu dans leur ligue. Tout cela suppose que le pere et le fils agissoient de concert [2]. Ceux qui disent que la duchesse d’Étampes suivait dans son cœur le luthéranisme, et qu’elle cabalait en faveur du duc d’Orléans au préjudice du dauphin [3], ne manqueront pas de dire qu’à l’insu de François Ier. elle poussa ce jeune duc à nouer des intelligences avec la ligue de Smalcade, et qu’ensuite elle l’engagea à s’attacher à l’empereur [4], quand elle eut connu que la fortune pouvait être plus avantageuse de ce côté-là. Quelques-uns peut-être s’imagineront que le roi entra clandestinement dans ce complot de son fils, sans avoir aucun dessein de favoriser en France la nouvelle religion, et qu’il se proposa seulement de se servir du secours de l’Allemagne avec plus d’utilité, en donnant lieu à ces princes luthériens de se figurer qu’il embrasserait la réformation en temps et lieu, s’il y trouvait bien son compte. Je crois que la découverte de M. le Vassor excitera les curieux à rechercher le fond et le fin de cette affaire, et qu’ils trouveront des papiers qui la pourront éclaircir.

(Z) Je ferai voir ci-dessous de quels termes Mézerai s’est servi. ] « Le roi François Ier., qui avait une noble passion pour toutes les belles choses, s’était merveilleusement plu aux magnificences, croyant qu’elles servaient à faire paraître sa grandeur ; et comme il se persuadait que la beauté des dames rehaussait l’éclat de ses pompes, joint qu’il était d’inclination amoureuse, il avait le premier accoutumé ce beau monde à hanter la cour. Du commencement cela eut de fort bons effets, cet aimable sexe y ayant amené la politesse et la courtoisie, et donnant de vives pointes de générosité aux âmes bien faites ; mais depuis que l’impureté s’y fut mêlée, et que l’exemple des plus grands eut autorisé la corruption, ce qui était auparavant une belle source d’honneur et de vertu devint un sale bourbier de tous vices, le déshonneur se mit en crédit, la prostitution se saisit de la faveur, on y entrait, on s’y maintenait par ce moyen ; bref les charges et les

  1. Le Vassor, Lettres et Mémoires de Vargas, pag 25, édit. de 1700
  2. Là même, pag. 27.
  3. Voyez ci-dessus la remarque (H) de l’article Étampes, pag. 306.
  4. Voyez ci-dessus la remarque (F) de l’article Étampes, pag. 305.