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CORBINELLI.

viteurs, qui l’assuraient de lui ouvrir une porte. Il savait d’eux, ajoute l’historien, tout ce qui se passait ; et les plus secrets avis étaient portés par Corbinelli, homme déterminé et brûlant du zèle de voir la cause du roi victorieuse de la rébellion. Corbinelli, dit encore le même historien, écrivait tout ce qu’il apprenait, et le portait à découvert en sa main, comme un papier commun d’affaires ou de procès. Son front si hardi et si assuré trompait les yeux des gardes qui étaient aux portes ; et en montrant qu’il se fiait à tous ne donnait de la défiance à personne[1]. » Un autre historien en parle de cette manière : Le roi avait bon nombre de fidèles serviteurs dans la ville, qui l’avertissaient ponctuellement de tout ce qui se passait, et se tenaient prêts pour faciliter son entrée. Entre autres Jacques Corbinelli y contribuait toute sorte de diligence et d’artifice. Il portait toujours en sa main ses avis, comme des pièces d’un procès, afin de les rendre moins suspects par cette hardiesse. Pressant sa majesté sur l’exécution de son dessein, il ne lui écrivait que ces trois mots, venez, venez, venez, écrits dans autant de papier qu’il en fallait pour les contenir, et les mettait dans un tuyau de plume cacheté, que le messager portait dans sa bouche.... Ce Corbinelli était Italien des plus anciennes et nobles maisons de Florence. Il s’était réfugié en France, pour avoir été complice de la conjuration de Pandolfo Puccio, ainsi que M. de Thou a remarqué en son Histoire [2].

(F) M. Corbinelli…. est aujourd’hui l’un des bons et beaux esprits de France. ] La préface ne marque point qu’il ait publié en plusieurs tomes un recueil des plus beaux endroits qui se trouvent dans les ouvrages des beaux esprits de ce siècle[3]. C’est pourquoi je le remarque. Quant au reste, je renvoie mon lecteur à la préface, où l’on trouve M. Corbinelli caractérisé d’une manière très-délicate, et qui lui fait beaucoup d’honneur. La peine qu’il s’est donnée de réduire les anciens historiens en maximes, contribuera tout à la fois à leur gloire et à l’instruction du public. L’auteur de la préface a raison de dire « que les connaisseurs prendront plaisir à voir qu’une infinité de pensées et de maximes, dont les modernes se parent, ont été dérobées aux anciens, et que cela seul pourra faire ouvrir les yeux sur le mérite de ces grands hommes, et guérir peut-être quelques esprits prévenus qui n’ont pas pour l’antiquité tout le respect et toute l’admiration qu’elle mérite. » Je ne doute point que si l’on compare par pensées détachées les anciens avec les modernes, l’on ne se convainque facilement que l’avantage n’est pas pour ceux-ci ; car je ne crois pas que l’on ait pensé, dans ce siècle, rien de grand et de délicat, que l’on ne voie dans les livres des anciens. Les plus sublimes conceptions de métaphysique et de morale que nous admirons dans quelques modernes, se rencontrent dans les livres des anciens philosophes. Ainsi, pour faire que notre siècle puisse prétendre à la supériorité, il faut comparer tout un ouvrage à tout un ouvrage ; car qui peut douter qu’un ouvrage qui, en ce qu’il a de beau, ne cède pas à d’autres ouvrages considérés selon ce qu’ils ont de beau, ne leur cède si ses endroits faibles sont et plus nombreux et plus grossiers que les endroits faibles des autres ? Qui peut douter que, quand même M. Descartes aurait trouvé dans les livres des anciens toutes les parties de son système, il ne mérite pas plus d’admiration qu’eux, puisqu’il a su ajuster ensemble tant de parties dispersées, et former un système méthodique d’une matière qui était sans liaison ?

Notez que M. Corbinelli avait un grand commerce de lettres avec M. de Bussy-Rabutin. Cela paraît dans les volumes des lettres de ce dernier, où l’on a inséré divers fragmens de ce que M. Corbinelli avait écrit : son nom n’y est marqué que par un C.

(G) L’on ne savait pas de quelle religion était Jacques Corbinelli. ] C’est M. de Thou qui le dit. Rapportons le passage tout entier. L’on ne savait

  1. Là même.
  2. Dupleix, Histoire de Henri IV, pag. 22, à l’ann. 1589.
  3. Il est intitulé : Extrait de tous les beaux endroits des ouvrages des plus célèbres auteurs de ce temps, et imprimé à Amsterdam, en 1681. [En 5 volumes petit in-12. Voyez ma note ajoutée sur le texte.]