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CAUSSIN.

faudroit bien que le fissiez ; mais pour commandement que Dieu vous face, vous n’en ferez autre chose, ains vous mourrez (comme dit est) en vostre inobédience et superbe, par ceste mondanité qui vous abuse, voire et qui vous rend si laides et abominables à regarder, que si vous saviez comme cela vous messied, vous y mettriez plustost le feu, que de les monstrer pour la mauvaise grâce qu’ils vous donnent. Et pleust à la bonté de Dieu qu’il fust permis à toutes personnes d’appeller celles qui les portent paillardes et putains, à fin de les en corriger ! O Dieu ! hélas, en quel malheureux règne sommes-nous tombés, de voir une telle dépravité sur la terre que nous voyons, jusques à porter en l’église les mirouers de macule pendans sur le ventre ! Qu’on lise toutes les histoires divines, humaines et prophanes, il ne se trouvera point, que les impudiques et meretrices les ayent jamais portez en public, jusques à ce jourd’huy, que le diable est deschainé par la France : ce qui est encore plus détestable devant Dieu, et devant les hommes que toutes les autres abominations. Et combien qu’il n’y ait que les courtisanes et damoiselles masquées, qui en usent, si est-ce qu’avec le temps n’y aura bourgeoise ny chambrière (comme elles font dès à présent) qui par accoustumance n’en vueille porter [1]. »

  1. Des Caurres, Œuvres morales, liv. VI, chap. XI, folio 305.

CAUSSIN (Nicolas), jésuite français, confesseur de Louis-le-Juste, naquit à Troyes en Champagne [a], l’an 1580 [* 1]. Il entra chez les jésuites à l’âge de vingt-six ans, et s’acquit beaucoup de gloire par la régence de la rhétorique dans plusieurs de leurs colléges. Il se mit ensuite à prêcher [b] ; et comme la réputation qu’il acquit à cet égard fut soutenue et augmentée par les livres qu’il publiait, on le trouva digne d’être mis auprès du roi comme directeur de conscience. Il ne s’acquitta point de cette charge au gré du premier ministre (A) : et, selon l’opinion la plus commune, ce fut à cause qu’il s’y comportait comme doit faire un homme de bien. Il y en a qui ont dit qu’il se laissa trop surprendre aux artifices d’un jésuite de la cour du duc de Savoie (B). Il y a quelque apparence qu’il intrigua pour faire chasser le cardinal de Richelieu (C). Quoi qu’il en soit, on lui ôta son emploi, et on le relégua dans une ville de Bretagne. Il eut permission de revenir à Paris après la mort de ce cardinal, et il y mourut dans la maison professe, le 2 de juillet 1651 (D). De tous ses ouvrages aucun ne lui a fait plus d’honneur que celui qu’il intitula la Cour Sainte (E). Il en publia plusieurs autres [* 2], tant en latin, qu’en français (F). C’est une chose bien singulière, que ce que l’on dit de sa sympathie avec le soleil [c]. Le sieur Bullart est tombé dans quelques anachronismes (G).

Je viens de lire une lettre [d],

  1. * Il naquit en 1583, dit Joly. Son père était un grand médecin. N. Caussin entra, dit encore Joly, chez les jésuites, en 1607 ; mais voyez ci-après la remarque (D).
  2. * Outre les ouvrages du père Caussin cités par Alegambe, etc., Joly indique une lettre imprimée pages 571-604 du Tuba altera majorem clangens sonum, Strasbourg, 1714, in-12. Cette lettre adressée au père Mutio Viteleschi, général des jésuites, est relative à la disgrâce de l’auteur.
  1. Son Père y exerçait la médecine. Éloge du père Caussin, à la tête de la Cour Sainte.
  2. Alegambe, Biblioth. script. societ. Jesu, pag. 351.
  3. Voyez la remarque (G), citation (28).
  4. De Guy Patin, imprimée avec celles de quelques autres illustres, à Amsterdam, ex Museo Joannis Brant, l’an 1701, in-8o. Voyez-y la pag. 200.