Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T04.djvu/522

Cette page n’a pas encore été corrigée
514
CASSIUS.

les anciens lui donnent le nom de Sévérus : néanmoins le père Hardouin nous apprend [1] qu’il s’appelait Cassius Severus Parmensis ; et que l’orateur Cassius Sévérus, pour n’être pas confondu avec lui, est surnommé Longulanus, du nom de Longula, sa patrie [2]. Je voudrais qu’il nous eût donné des preuves de tout cela, et qu’il nous eût aussi appris si le poëte est surnommé Parmensis à cause qu’il était natif de Parme. On en pourrait douter, en considérant qu’Horace l’appelle [3] Hetruscum, Toscan, et que Parme était alors dans la Gaule Cisalpine ; mais comme elle avait appartenu aux Toscans, qui sait si un homme natif de Parme ne pouvait pas être encore nommé Hetruscus ? Le même père Hardouin observe, que les précédentes éditions de Pline marquaient Cassius Severus, Longulanus, comme si c’eussent été deux auteurs ; et qu’en effet Simler, dans l’Abrégé de la Bibliothéque de Gesner, a fait de Longulanus un auteur à part. Il dit aussi que nous avons une épigramme de Cassius de Parme sur Orphée, laquelle Pithou inséra dans son recueil de petits poëmes anciens, publié à Paris en 1590. J’ajoute à cela que cette épigramme sur Orphée avait paru avant le recueil de Pithou. Achille Statius fut le premier qui la publia [4]. Ensuite, Natan Chytræus l’orna d’un commentaire. Bien des gens se persuadent que c’est une pièce supposée, dont Achille Statius est le véritable auteur [5]. Personne n’ignore comment Muret en donna à garder au plus grand critique de son siècle [6], en lui faisant passer pour des vers de Trabras [7] trouvés dans un vieux manuscrit, ceux que Muret avait faits lui-même. Achille Statius n’aurait-il pas pu avoir une semblable fantaisie d’essayer le discernement du public ? Sigonius l’a bien eue, comme il le témoigna par le livre de Consolatione : qu’il voulut supposer à Cicéron.

(D)..,.. Il a fait par-là beaucoup de fautes. ] 1°. Il remarque premièrement, que les écrits de Cassius, un peu trop désavantageux à la réputation des personnes de qualité, furent cause qu’Auguste voulut avoir connaissance de tous les ouvrages célèbres qu’on donnait au public. C’est avoir fort mal entendu ce passage de Vossius : Scriptis suis procacibus proscidisse viros feminasque illustres, câque re occasionem dedisse Augusto, ut de libellis famosis cognitionem susciperet [8]. Qui pourrait croire, s’il ne le voyait, qu’on eût pu trouver là l’empereur Auguste, curieux de connaître les écrits célèbres qui se publiaient, et ne l’y pas voir armé d’une juste indignation contre les libelles diffamatoires, et ordonnant aux juges d’en rechercher et d’en punir les auteurs ? Je crois que M. Moréri se fût mieux tiré d’affaire, s’il fût remonté jusques à la source que Vossius lui indiquait, je veux dire jusqu’au premier livre des Annales de Tacite ; car il y aurait vu qu’Auguste fut le premier, qui par la loi de Majestate prit connaissance des livres que les Latins nommaient famosos ; d’où il eût conclu, que ce ne fut point par curiosité pour tous les écrits célèbres, mais afin de faire informer juridiquement contre les écrits semblables à ceux de Cassius Sévérus, que l’empereur se porta à cette nouvelle jurisprudence. Or quels étaient les écrits de ce Cassius ? des satires où la réputation de plusieurs personnes illustres de l’un et de l’autre sexe avait été déchirée. Voici comme parle Tacite : Primus Augustus cognitionem de famosis libellis specie legis ejus (Majestatis) tractavit, commotus Cassii Severi libidine quâ viros feminasque illustres procacibus scriptis diffamaverat [9]. 2°. M. Moréri dit, en second lieu, que Cassius Sévérus fut un des conjurés contre César ; qu’après la défaite de Brutus et Cassius, en l’an 712 de Rome, il suivit le jeune Pompée, puis Antoine ; et qu’enfin Auguste donna commission à Varus de le tuer, et que ce dernier l’ayant trouvé dans son cabinet y mit le feu, et le brûla avec ses livres. Tout cela est faux, et ne

  1. Comment. in Plin., tom. I, in Indice Auctorum.
  2. Ville d’Italie, au pays des Volsques, roche de Rome.
  3. Lib. I, sat. X.
  4. Dans son Commentaire sur Suétone de claris Rhetoribus.
  5. Voyez Vossius, de Poët. lat., pag. 24, et le Thesaurus Scholasticæ eruditionis.
  6. Joseph Scaliger.
  7. Ancien poëte comique.
  8. Vossius, de Historic. lat., pag. 109.
  9. Tacit., Annal., lib. I, cap. LXXII.