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BUDÉ

greges tuti : hic solus non modo integrâ mente, verùm etiam existimatione permansit. Nihil in ejus vitâ aut in oratione quisquam potuit invenire, quod jure reprehenderet. Quod labenti rei litterariæ certissimum præsidium attulit. Nisi enim is contigisset orbæ politiori doctrinæ quasi legitimus tutor, qui eam apud principem, in senatu, in concionibus exagitatam tueretur, ac tantisper dum invidia consideret, domi septam teneret liberali custodiâ, atque à sceleratorum hominum impetu prohiberet, haud dubiè nostris finibus coacta esset excedere.

(I) Il fut fort considéré à la cour de France. ] Il y fut connu dès avant la mort de Charles VIII. Ce prince, ayant ouï dire que Budé était fort savant, le voulut voir, et le fit venir auprès de lui ; mais il ne vécut pas assez depuis ce temps-là pour l’avancer. C’est Budé lui-même qui nous l’apprend. A Carolo ego commodum in aulam accersitus fueram, cùm ille repentino casu sublatus est : exierat jam rumusculus quidam studiorum meorum qui ad eum permanaverat nihil minus me agente[1]. Gui de Rochefort, chancelier de France, procura cet honneur à notre Budé, comme on le remarque dans la page 87 de sa Vie. Louis XII, successeur de Charles VIII, employa deux fois Budé à des ambassades en Italie[* 1], et le mit ensuite au nombre de ses secrétaires[* 2]. De maximis rebus legatum in Italiam misit cum aliquot proceribus suis : quibus in legationibus sic fidem suam, diligentiam, ingenium regi probavit, ut magnam gratiam ab eo ipso iniret, ac paulo mox in scribarum regiorum numerum adscriberetur[2]. On l’eût fait conseiller au parlement de Paris, s’il n’eût mieux aimé ménager son temps pour ses études, que de s’engager à une charge qui lui eût cause trop de distractions.

(K) Ce fut lorsque la cour était à Ardres......, que François Ier. le fit venir pour la première fois. ] Je ne crois pas avoir tort de me conduire généralement parlant par ce principe, c’est qu’un auteur, qui écrit la vie d’un homme, est plus croyable que ceux qui ne parlent de cet homme que par occasion. Cela ne m’empêche pas de croire, qu’en certains cas, on doit préférer à ce qu’on trouve dans la vie particulière d’un homme ce qu’on lit dans d’autres livres. J’en donne un exemple dans cette remarque. Louis le Roy, non-seulement ne dit pas que François Ier. ait envoyé Guillaume Budé à Rome pour négocier avec le pape Léon X ; mais aussi il remarque expressément, qu’on ne fit venir Guillaume Budé à la cour de François Ier., que lorsque ce prince était à Ardres pour s’aboucher avec le roi d’Angleterre : Primum evocatus Ardeam quem in locum rex quoque Britannorum Henricus convenerat, cum tanti conventûs splendore excitatus, tum admirabili famâ incredibilium virtutum sui principis incensus, sanè quàm libenter regis imperio obtemperavit, atque eo magis quod virtutis, et litterarum ergo se intelligebat accersiri[3]. L’entrevue d’Ardres se fit l’an 1520. Il serait donc faux, selon Louis le Roy, que notre Guillaume eût négocié pour François Ier. avec Léon X l’an 1515[* 3]. Cependant je n’oserais révoquer en doute l’ambassade dont M. Varillas a fait mention sous l’année 1515. « Budé n’était pas maladroit en négociation, quoiqu’il eût vécu dans Paris sans autre conversation que celle de ses livres. L’académie de Rome, qui n’avait jamais été si polie depuis le siècle d’Auguste qu’elle l’était alors, lui fit un accueil extraordinaire, et il acquit bientôt la familiarité du pape, parce qu’il excel-

  1. * Leclerc convient bien que Budé alla deux fois à Rome : bis Romam adii, dit Budé lui-même ; mais il ne parle que d’une ambassade : interim legatione functus sum.
  2. * C’est une erreur de le Roy qu’ont aussi copiée Boivin et Niceron ; mais, dit encore Leclerc, Budé nous apprend qu’il était déjà secrétaire du roi, mais non secrétaire d’état, lorsqu’il fut appelé à la cour par Charles VIII, prédécesseur de Louis XII : jam enim regis non à secretis sed secretarius eram.
  3. * Dans la remarque (I) il a été question de deux ambassades au nom de Louis XII. Celle au nom de François Ier. serait une troisième. Leclerc pense que c’est la seule qu’ait eue Budê ; il se fonde sur ce que c’est en 1518 qu’il écrivait bis Romam adii et legatione functus sum. La première fois qu’il serait allé à Rome ce serait à la suite de l’ambassade envoyée par Louis XII.
  1. Bodeæus, de Philologiâ, lib. I.
  2. Lud. Regius, in Vitâ Budæi, pag. 88.
  3. Ibid., pag. 90.