Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T04.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée
217
BUCHANAN.

instruire son fils naturel. Ce prince revint de France avec la reine Madeleine, qu’il avait épousée au commencement de 1537. Îl faut donc dire que Buchanan, pour le plus tard, était sorti de Paris, afin de s’en retourner en Écosse, l’an 1536. Il est donc faux qu’il eût alors régenté avec Muret dans un collége de Paris ; car, en ce cas-là, Muret eût exercé une régence avant l’âge de dix ans [1]. 2°. M. Ménage n’a point dû considérer comme une chose possible, que Muret et Buchanan aient régenté à Paris l’an 1538, vu qu’il est certain que Buchanan était alors en Écosse. 3°. Puisqu’il a mis la naissance de Muret en 1526, il n’a point dû lui donner en 1538 les quatorze ans qu’il lui donne dans la même page. 4°. Il devait dire expressément qu’en l’année 1544 Buchanan était à Paris. Cela est clair par son élégie à Tastæus et à Tevius, mentionnée par M. Ménage. 5°. Il devait dire que Buchanan a parlé de Gelida dans cette élégie comme d’un collègue [2], et en tirer une preuve que Buchanan régentait alors au collége du cardinal le Moine ; car il est sûr que c’était dans ce collége que Gelida enseignait.. 6°. Si j’avais à dire, malgré la Vie de Buchanan, qu’il a régenté à Paris l’an 1539, j’aimerais mieux prendre l’année [* 1] de M. Ménage [3], que le temps qui s’écoula depuis qu’il fut revenu à Paris, lors de la levée du siége de Metz, jusques à ce qu’il eût à instruire Timoléon de Cossé, fils du maréchal de Brissac. Cet entre-deux comprend trois années ; car il fut précepteur pendant cinq ans [4], et il sortit de cet emploi l’an 1560 [5].

(C) Il composa des livres... selon l’intérêt de ceux qui étaient alors les maîtres. ] Nous parlerons ci-dessous du Dialogue sur le droit des rois. Il écrivit deux autres livres qui étaient encore plus conformes que celui-là aux intérêts de sa faction. L’un est l’Histoire d’Écosse, en tant qu’il y dit beaucoup de mal des mœurs et de la conduite de la reine : l’autre est celui qu’il intitula Éclaircissement [6]. Voici de quelle manière M. Varillas en parle. Je dois encore avertir les curieux, dit-il [7], que le pire des ouvrages de Buchanan contre cette princesse n’est pas son Histoire d’Écosse, et qu’il y en a un autre, où il n’a osé mettre son nom, qui est plus satirique, sans comparaison, que celui-là. On ne le trouvait pas de mon temps à la Bibliothéque du roi et M. Clément, conseiller de la cour des aides, le tira de la sienne pour me le prêter. Il est écrit en français et imprimé à la Rochelle, en l’année 1572. Il contient tant d’injures et d’ordures, qu’aucun autre livre que j’aie vu n’en approche ; et le seul endroit des prétendues impudicités de la reine Marie Stuart, qu’imitait et favorisait la demoiselle de Reres, sa fille d’honneur, n’est pas de beaucoup inférieur à ceux des auteurs anciens et modernes qui se sont le plus licenciés à salir l’imagination de leurs lecteurs. Il n’est pas besoin de dire que rien ne pouvait être plus conforme aux intérêts des ennemis de cette reine, que les satires de Buchanan ; car il fallait de deux choses l’une, ou que ceux qui l’avaient chassée fussent les plus scélérats de tous les hommes, ou qu’elle fût la plus infâme de toutes les femmes. Ce sont deux plats de balance chargés en équilibre : vous ne sauriez appesantir la charge de l’un, sans alléger la charge de l’autre, précisément au même de-

  1. * Leclerc ne doute pas que Buchanan n’ait régenté au collége du cardinal Lemoine, et cela en 1544. Il s’appuie sur une harangue latine de Lambin, prononcée en 1567, imprimée en 1568. Joly assure qu’on peut y joindre le témoignage de N. Bourbon « qui dit positivement la même chose dans le Borboniana manuscrit, où il ajoute que Buchanan n’avait pas son pareil quand il vivait, qu’il ne l’a pas eu mille ans auparavant, et qu’il ne l’aura pas mille ans après. » Depuis Joly, le Borboniana à été imprimé. (Voyez ma note, tom. III, pag. 509). On y trouve les paroles transcrites par Joly et imprimées ci-dessus en italique ; mais il n’y a nulle mention de la régence de Buchanan,
  1. M. Ménage, Anti-Baillet, ch. LXXXIII, dit que Muret naquit l’an 1526.
  2. Cæteraque ut cessent, Gelidæ pia cura sodalis,
    Et patris et patriæ sustinet usque vicem.

    M. Ménage, ibid., corrige très-bien gelidè par Gelidæ.

  3. C’est-à-dire, de 1544 à 1545.
  4. Et non pas dix, comme Varillas l’assure. Hist. de l’Hérésie, liv. XXVIII, pag. 143.
  5. Voyez la Vie de Buchanan.
  6. Var., Hist. de l’Hérésie, liv. XXVIII, pag. 170.
  7. Préface du Ve. tome de l’Histoire de l’Hérésie.