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BRUTUS. leur vigilance, et quelquefois même des Romains étaient change’es : le prix ils sont si honnêtes gens, qu’ils ne de l’ambition e’tait trop grand ; le voudraient pas employer de mauvais moyens pour soutenir le bon parti. Mais ceux qui s’engagent à faire va- loir de mauvaises causes ne font point scrupule d’ajouter iniquités à iniqui- tés ; et dans la défiance qu’ils ont, ils recourent avec une extrême activité à tous les expédiens imaginables : ils n’oublient rien de ce qui peut ou avancer leur affaire , ou retarder les progrès de l’ennemi ( 12 ). On peut même supposer dans l’hypothèse des bons et des mauvais anges , que par les mêmes principes, ceux-ci sont bien plus actifs. Quoi qu’il en soit , iln’ya nulle conséquence à tirer de la justi- ce, ou de l’injustice d’une cause, à son bon succès ; et hormis les cas où Dieu agit par miracle , ce qui n’arrive que rarement , le sort d’une affaire est attaché aux circonstances , et au con- cours des moyens que l’on emploie. C’est par-là qu’il arrive quelquefois que l’injustice succombe , et que l’on peut s’écrier , tandem bona causa triumphat. (E) Il a terni par l’assassinat de Jules César un des plus beaux as- semblages de grandes qualités qu’on poste d’où l’on voulait faire tomber le vainqueur du grand Pompée , était tellement envié, qu’il était facile de pressentir , qu’à mesure qu’on Téte- rait à une personne , plusieurs autres se présenteraient pour le remplir. Ciim i>ir magnus fuerit ( M. Brutus ) in aliis , in hdc re videlur vehementer errasse ; ibi speravit libertatem futu- ram , ubi tant magnum prœmium erat et imperandi , et serviendi ; aut exis- timavit civitatem in priorem Jbrmatn posse revocari , amissis pristinis mo- ribus : futuramque ibi cequalitatem civilis juris , et staturas suo loco le- ges , ubi viderai tôt millia hominum pugnantia , non an servirent , sed uni. Quanta vero illum aut rerum natura , aut iwbis suœ tenuitoblivio , qui uno interempto , defuturum cre- didit alium , qui idem vellet , c’um 7’arquinius esset inventus post tôt regesfen’o ac fulminibus occisos ( 1 4) ? (F) Cette action fut commise mal à propos. V^ous en trou- verez la preuve dans Dion Cassius. ] Cet historien observe deux choses , i°. qu’une fureur de scélérat s’empara de quelqups-uns qui portaient envie à puisse posséder.] Les flatteurs les plus Jules César, et les poussa à le tuer outrés des descendans de César ne injustement ; 2 . qu’encore qu’ils al- Jrouvaient que cette tache dans Bru- tus. Hune exitum M. Bruti part mm septimum et trigesimum annum agen- tis fortuna esse volait : coirupto ani- mo ejus in diem quœ illi omnes vir- tules unius lemeritate facti abstulit léguassent le beau prétexte de rétablir la liberté, leur action fut réellement impie , et replongea dans les séditions un état qui commençait à goûter les avantages d’une bonne administra- tion. 11 déclare ensuite que la monar- (i3). Celui qu’il fit mourir, je l’a- chie est préférable au gouvernement voue , méritait la mort : cent mille démocratique ; et que l’histoire grec- et même l’histoire romaine, vies , s’il les avait eues , n’auraient pas suffi à l’expiation de son crime ; mais ce n’était pas à trois ou quatre parti- culiers d’entreprendre de le punir. Appliquons donc ici la maxime , Passio justa , actio injustiSsima. Leur entreprise d’ailleurs était fort con- traire aux intérêts de la patrie : l’évé- nement le montra , et il n’était pas malaisé de le prévoir. Voyez Sénè- que, qui a dit si noblement qu’en l’état où étaient toutes les chosts, il ne fallait pas espérer le retour du gouvernement républicain. Les moeurs (lï) Notez qu’en quelques rencontres ils e’chouenl , parce qu’ils n’osent pas être assei mc- chans. (i3) Paterculus, lib. II , cap LXXII. prouvent que les villes et les particu- liers ont senti plus de douceurs, et beaucoup moins d’adversités , sous l’autorité d’un seul , que sous le gou- vernement populaire ; que s’il y a eu des étals qui aient fleuri sous un tel gouvernement, cela n’a duré que jus- ques à ce qu’ils eussent acquis un cer- tain point de grandeur et de puis- sance , au delà duquel on n’a vu que des discordes causées par l’envie et par l’ambition ; et qu’ainsi, puisque la ville de Rump se voyait alors maî- tresse d’une infinité de nations, et comblée de richesses et de gloire , il (i4) Ser.Fcn , âe. Beoef. , lib, II , cap. XX.