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BOSC.

son cabinet. Celle que M. de Turenne lui écrivit proprio pugno est insérée dans la Vie de M. du Bosc [1], avec deux fort belles lettres que M. Pellisson écrivit à ce ministre, qu’il avait autrefois connu à Montauban.

(B) À son retour à Caen, un gentilhomme catholique fit une chose des plus étranges qui se soient vues. ] La voici : « Un gentilhomme de la religion romaine, distingué dans la province, dont la vie n’était pas fort réglée, mais qui faisait profession ouverte d’aimer les pasteurs qui avaient des talens particuliers, et qui paraissait surtout enchanté du mérite de M. du Bosc, voulant solenniser la fête par une débauche, prit deux cordeliers qu’il connaissait pour être bons frères, et les fit tant boire, qu’il y en eut un qui en mourut sur-le-champ. Il alla voir M. du Bosc le lendemain et lui dit qu’il avait cru devoir immoler un moine à la joie publique : que le sacrifice aurait été plus raisonnable, s’il avait été d’un jésuite ; mais que son offrande ne devait pas lui déplaire, quoiqu’elle ne fût que d’un cordelier. Cet accident tragique, dont il n’était que l’occasion innocente, ne laissa pas de troubler la joie qu’il eut de se revoir dans sa famille et dans son troupeau. Il la témoigna dans le premier sermon qu’il fit, ayant pris pour texte : Me voici, Seigneur, et les enfans que tu m’as donnés [2]. »

(C) Son exil lui fit connaître combien il était aimé et considéré. ] M. de Turenne pria M. Boucherat, qui est aujourd’hui chancelier [3], d’obtenir de l’intendant de Caen une lettre qui rendit bon témoignage de M. du Bosc à M. le Tellier [4]. Monsieur le comte de Roussi, qui possédait de grands biens aux portes de Châlons, eut la bonté de prendre le soin du logement de M. du Bosc, et de toutes les autres choses qui pouvaient aider à adoucir ses ennuis [5]. M. le duc de Montausier se chargea de faire connaître son innocence au roi. Le témoignage avantageux qu’il lui rendit, joint aux bons offices de M. de Turenne, de M. de Beringhen, premier écuyer, et de plusieurs autres personnes de qualité de l’une et de l’autre religion, produisit son effet [6]. M. de la Vrillière voulut bien lire à sa majesté la lettre qu’il avait reçue de M. du Bosc [7].

(D) Les honnêtetés que lui fit l’évêque de Châlons ne doivent pas être oubliées. ] Je me servirai des propres termes de M. le Gendre, auteur de la Vie de M. du Bosc. « L’évêque du lieu, de la maison de Herse Vialart, se fit aussi un plaisir de contribuer à sa consolation. Il n’y eut point d’honnêtetés qu’il ne reçût de cet excellent prélat. Il n’aurait point mangé à d’autre table, s’il en eût voulu croire sa générosité, et il le faisait deux fois réglément toutes les semaines. Comme ce seigneur lui montrait un jour sa maison, dont les meubles et les appartemens étaient superbes, il lui demanda ce qu’il en pensait, et si cette magnificence lui paraissait fort apostolique ? M. du Bosc, qui ne voulait ni désobliger son bienfaiteur, ni démentir son caractère, répondit qu’il avait deux qualités dans la ville, qu’il était comte et évêque de Châlons, et que sa dignité de comte lui donnait des droits et des priviléges tout autres que ceux de l’épiscopat ; qu’il ne voyait rien dans sa maison qui fût au-dessus de la magnificence convenable à un pair de France. Une réponse si galante ne déplut pas au prélat [8]. »

(E) Il avait de fort grands talens pour présider à un synode. ] Son historien exprime cela trop heureusement, pour ne me pas engager à me servir de ses paroles. Il était, dit-il [9], un des présidens du synode qui se tint à Rouen en 1663. On y examina des affaires épineuses et difficiles ; et il n’y acquit pas moins de gloire, qu’il avait fait ailleurs. Il est vrai qu’il réussissait admirablement dans ces assemblées. La présence et la netteté de son esprit, la force et la solidité de son jugement, y paraissaient avec éclat. Il avait des vues et des ouvertures surprenantes,

  1. Vie de M. du Bosc, pag. 7.
  2. Là même, pag. 44.
  3. On écrit ceci en 1699.
  4. Vie de M. du Bosc, pag. 33.
  5. Là même, pag. 36.
  6. Là même, pag. 38.
  7. Là même, pag. 41.
  8. Là même, pag. 36.
  9. Là même, pag. 31.