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AUDIGUIER.

sait beaucoup au temps de leur nouveauté, et qu’on ne lit plus aujourd’hui, florissait au commencement du règne de Louis XIII. Le sieur Sorel ayant dit que l’auteur de la Polixène [a] eût pu produire un jour de meilleures choses, s’il n’eust point esté aussi malheureux que d’Audiguier, ajoute qu’ils ont tous deux esté assassinés [* 1] par ceux qu’ils tenoient pour leurs amys [b]. « Je crois bien, dit-il ailleurs [c], que d’Audiguier avoit bon esprit ; mais c’estoit plustôt un soldat qu’un homme d’estude, comme il fait paroîstre dans toutes les épistres dédicatoires de ses livres, où il parle quasi toujours de son épée, ou de quelque chose qui en approche : et l’on raconte aussi que, pour monstrer qu’il n’escrivoit que par négligence, il disoit un jour, par une bravade de Gascon [d], qu’il tailloit sa plume avec son épée. Il y en a qui assurent que l’on lui repartoit, que c’estoit donc à cause de cela qu’il escrivoit si mal ; mais il ne faut pas estre si satirique. Il n’y a point de doute que cette façon de se vanter avoit beaucoup de grâce, et qu’elle mérite d’être mise au rang des apophthegmes françois. » D’Audiguier avait un neveu [* 2] qui a passé pour l’auteur de la traduction de la Stratonice, roman italien ; mais on croit que Malleville l’avait faite, et qu’étant un de ses meilleurs amis, il la lui donna [e]. Il y a eu un d’Audiguier [* 3], avocat au parlement de Paris, qui a publié quelques plaidoyers [f]. J’ignore s’il est le même que le neveu, qui était le bon ami de Malleville [* 4], mais je sais

    hommes. Remis de ses blessures, il sortait pour la première fois le 8 avril suivant, lorsqu’il fut attaqué encore par les mêmes hommes qui étaient des ligueurs.

  1. * François de Molière, personnage négligé (on pourrait presque dire oublié) par tous les faiseurs de dictionnaires historiques, est auteur d’un roman intitulé : la Polixène. Il fut assassiné en 1623, (Voyez la Biographie universelle au mot Molière). Audiguier fut assassiné en la maison et en la présence d’une présidente. « On le fit, dit Colletet dans l’Histoire (manuscrite) des poëtes français, jouer au piquet ; on lui mécompta tant de fois son jeu qu’il ne put s’empêcher de dire à celui qui le fourbait : Vous comptez mal ; parole qui fut relevée d’un démenti ; en même temps plusieurs satellites sortis de derrière une tapisserie se jetèrent dessus lui, et quelques efforts qu’il fit de parer leurs coups avec un escabeau qui lui servit quelque temps de bouclier et de plastron, il fallut qu’il cédât à la force, et ce d’autant plus que ses ennemis se saisirent d’abord de son épée qui était sur un lit. Il fut percé de plusieurs coups, et rendit ainsi l’esprit sous l’effort de ces tigres de qui la rage ne se put assouvir que par son dernier soupir, ce qui advint au faubourg Saint-Germain vers l’an 1624. Si bien qu’il mourut âgé d’environ cinquante-cinq ans. » Voyez Examen critique et Complément des dictionnaires historiques les plus répandus (par M. A. A. Barbier), tom. Ier., p. 56.
  2. * Ce neveu s’appelait Pierre. M. Barbier, dans son Examen critique, etc., donne des détails curieux sur les traductions diverses des Aventures de Lazarille de Tormes. Audiguier neveu passe pour auteur d’une des traductions de cet ouvrage ; il l’est seulement d’une partie.
  3. * Il s’appelait Henri, sieur du Mazet, et était, dit Leclerc, avocat général de la reine mère, dès 1652.
  4. * Malleville (Claude) était l’ami d’Audiguier neveu. Pellisson prétend même que la traduction de Stratonice est de Malleville. C’est à l’ami de Malleville que l’on doit l’Éromène.
  1. C’est le titre d’un roman dont l’auteur s’appelait Molière.
  2. Sorel, Berger extravagant, remarques sur le XIIIe. livre, pag. 493, édition de Rouen, chez Osmont, en 1646, in-8°, deux volumes.
  3. Là même, pag. 486.
  4. Voyez le Socrate chrétien de Balzac, discours X, pag. 263.
  5. Pellisson, Histoire de l’Académie française, pag. 292.
  6. Marolles, Mémoires, pag. 41.