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ATHÉNÉE.

le fait fleurir sous Marc Aurèle, et ne mérite pas en cela d’être copié, vu qu’Oppien, qui a dédié un poëme à l’empereur Caracalla [1], mourut avant Athénée. Il ne fallait donc pas qu’Helvicus plaçât Oppien 50 ans après celui-ci. C’est une faute que M. le Fèvre lui reproche, et il soutient qu’Athénée a vécu en même temps qu’Hérodien, qui a fini son histoire à l’an 238. Il est sûr qu’Athénée se met au-dessous d’Oppien à l’égard du temps. Καὶ τὸν ὀλίγῳ πρὸ ἡμῶν γενόμενον Ὀππιανὸν τὸν Κίλικα [2], et qui paulò ante nos vixit Oppianum Cilicem, dit-il, en parlant de plusieurs auteurs qui avaient écrit de la pêche. On objectera sans doute, qu’il dit ailleurs [3], qu’il a connu le poëte Pancrates, qui reçut quelque présent de l’empereur Hadrien ; mais cela ne forme point un grand embarras, il suffit de supposer que Pancrates était fort jeune en ce temps-là, qu’il vécut quatre-vingts ans, et qu’il mourut avant qu’Athénée fût parvenu à l’an 20 de sa vie. Vous trouverez par-là que rien n’empêche que celui-ci n’ait vécu jusques à l’empire de Gordien. Si M. de Tillemont se fût souvenu du passage grec d’Athénée que j’ai cité, la vieillesse qu’il eût cru devoir donner à cet écrivain lui eût paru plus surprenante ; car il le suppose fort âgé, en se figurant seulement que son ouvrage fut écrit après la mort de Commode, et la raison qu’il en donne est qu’Athénée avait connu le poëte Pancrates, célèbre du temps d’Hadrien [4]. Il ne désapprouve point Suidas, qui l’a placé sous Marc Aurèle : il fallait pourtant le désapprouver en conséquence du passage grec que l’on a vu ci-dessus. N’allez point me dire que ce n’est point Athénée qui se vante d’avoir connu le poëte Pancrates, et que ces paroles-là sont de Callixène le Rhodien, qu’il avait cité peu auparavant. Cette supposition n’est point recevable. Casaubon a fort bien vu que les paroles de Callixène manquent dans le livre d’Athénée [5] ; mais il a omis une très-forte raison de sa conjecture ; c’est que le passage dont il s’agit commence ainsi : Puisque j’ai fait mention de la ville d’Alexandrie. Callixène n’avait garde de parler de cette façon dans un ouvrage concernant cette ville-là [6]. C’est donc Athénée qui se sert de cette phrase, après avoir achevé de rapporter ce qu’il empruntait de Callixène.

(B) Il avait composé divers ouvrages. ] Il en avait écrit un des rois de Syrie, comme il nous l’apprend lui-même [7]. Vossius lui en attribue un autre sur les hommes illustres et les généraux d’armée qui s’étaient battus en duel [8]. Il se fonde sur ces paroles du IVe. livre : Ὅτι δὲ καὶ οἱ ἔνδοξοι καὶ οἱ γεμόνες ἐμονομάχουν καὶ ἐκ προκλήσεως τοῦτ᾽ ἐποίουν ἐν ἄλλοις εἰρήκαμεν [9]. Illustres quidem viros et exercituum duces provocatos singulare certamen non detrectâsse alibi diximus. Cette matière serait très-propre pour un traité particulier ; mais elle pourrait aussi être insérée comme un épisode dans un autre ouvrage, et surtout par un auteur qui battait autant de pays qu’Athénée en peu de temps, et qui aimait la rapsodie autant que lui. C’est pourquoi l’opinion de Vossius n’est pas fort certaine.

(C) Il ne nous reste point de livre plus mal traité qu’Athénée par les copistes. ] On ne saurait compter les omissions, les transpositions, les fausses leçons, vu leur grand nombre. Voilà des fautes qu’on peut imputer aux copistes ; mais pour la perte qu’on a faite d’une partie de l’ouvrage, il ne faut pas qu’on s’en prenne tant à eux. Il nous manque les deux premiers livres, le commencement du troisième, et la plus grande partie du dernier. Pour suppléer cette perte le mieux qu’il a été possible, on a imprimé avec ce qui nous reste d’entier l’abrégé de ce qui s’est perdu ; car, comme je dirai bientôt, on a encore l’abrégé de tout l’ouvrage.

(D) Toutes les éditions que l’on en a sont très-imparfaites. ] La première est celle qu’Alde Manuce donna l’an

  1. Qui fut tué l’an 217.
  2. Athenæus, lib. I, pag. 13.
  3. Idem, lib. XV, pag. 677.
  4. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 809.
  5. Casaub., in Athen., pag. 958.
  6. Ἐν τοῖς περὶ Ἀλεξανδρείας. In suis libris de Alexandriâ. Athen., lib. XV, pag. 676.
  7. Athen., lib. V, pag. 211.
  8. Vossius, de Histor. græcis, pag. 232.
  9. Athen., lib. IV, cap. XIII, in fine.