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ARSÉNIUS.

(A) Il mourut dans les déserts de l’Égypte, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. ] Voici le partage que M. Arnauld d’Andilli donne à cette longue vie d’Arsénius. Il en passa, dit-il [1], quarante dans la cour de l’empereur Théodose, quarante en Sceté, dix à Trohé, qui est au dessus de Babylone, à l’opposite de la ville de Memphis, trois en Canapé d’Alexandrie, et deux en ce même lieu de Trohé, où étant retourné il finit sa course dans la crainte de Dieu. Cette expression, il passa quarante ans dans la cour de Théodose, est très-impropre ; car si l’on n’y veut pas trouver une insigne fausseté, il la faut prendre en ce sens-ci : il avait quarante ans, lorsqu’il sortit de la cour de Théodose. En effet, en la prenant selon la signification propre et naturelle des termes, il faudrait qu’Arsénius eût vécu plus de six-vingts ans. Il faudrait ajouter aux quatre-vingt-quinze ceux qu’il avait lorsqu’il partit de Constantinople, choisi précepteur d’Arcadius par Damase. Ce pape n’aurait pas choisi un jeune de vingt ans. Outre que Théodose ne régna qu’environ seize ans, et qu’il ne reçut Ârsénius qu’en la quatrième année de son empire.

(B) Il y a quelques fautes dans le Dictionnaire de Moréri, qui concernent cet article. ] 1°. Arsénius n’a point pu être envoyé à Théodose l’an 383, pour être précepteur d’Arcadius et d’Honorius, puisque Honorius ne naquit qu’en 384. Baronius avait marqué cette faute à ceux qui ont fait la vie d’Arsénius, et il l’avait attribuée à quelqu’un qui savait en général que Théodose avait deux fils, aliquis quòd sciret duos fuisse Theodosio filios, adjecit Honorium [2]. Cette faute est demeurée dans la vie d’Arsénius dressée par M. Arnauld d’Andilli [3], qui cite Rufin [4] pour son garant. 2°. J’avoue que Baronius [5], sur la foi de la Vie des Pères [6], avance qu’Arsénius fut le parrain des deux fils de Théodose ; mais cela ne s’accorde point avec Rufin[* 1], qui dit qu’ils furent mis entre les mains d’Arsénius aussitôt après leur baptême [7] : outre que Baronius lui-même a remarqué qu’on se trompe dans la vie d’Arsénius, lorsqu’on dit qu’il fut envoyé par Damase pour être précepteur d’Arcadius et d’Honorius. Le dernier n’était pas encore né ; l’autre avait environ huit ans, et il n’y a point d’apparence qu’Arsénius soit demeuré à la cour de Théodose jusqu’au temps qu’Honorius eut besoin de précepteur. 3°. M. Fléchier dit en propres termes, que Théodose fit chercher Arsénius dans toutes les terres de l’empire. Il n’est donc guère apparent qu’Arsénius ne soit sorti de la cour qu’après la mort de Théodose, en 395. Cela, dis-je, n’est guère apparent, quoi qu’on le donne pour un fait certain et dans le premier volume du Dictionnaire, et dans le troisième. 4°. Il ne fallait pas supprimer la circonstance que M. Fléchier a expressément marquée : c’est que l’officier qu’Arcadius chargea de tuer Arsénius en avertit ce précepteur. Le Supplément du Dictionnaire suppose qu’Arsénius en fut averti divinement. 5°. Arcadius ne fut point associé à l’empire à l’âge de six ans, mais l’âge de sept ou huit ans, comme Baronius et M. Fléchier le remarquent. Erat tunc Arcadius annum ætatis agens octavum, natus nimirùm sub consulatu Gratiani quarto et Merobaudis, triennio ante Theodosii patris imperium [8]. 6°. Socrate n’avait que faire d’être cité, car ce qu’il a dit d’Arsénius n’a presque point de rapport à l’article du Supplément. En tout cas, il fallait citer le chapitre XXIII du IIIe. livre.

(C) Voici quelques fautes d’autres écrivains touchant Arsénius. ] Matthias, dans son Théâtre historique [9], suppose perpétuellement qu’Arsénius fut précepteur d’Honorius aussi-bien que d’Arcadius, et cela en même temps. Il ne considère pas qu’Honorius n’était

  1. * Ce Rufin n’est pas, dit Leclerc, le fameux Rufin qui eut des démêlés avec saint Jérome, et qui est mort long-temps avant Arsénius ; ce à quoi Bayle n’a pas fait attention.
  1. D’Andilli, Vies des Pères des Déserts, tom. II, pag. 204. Édition de 1676, in-8o.
  2. Baron., ad ann. 383, num. 22.
  3. Elle est au IIe. tome des Vies des Pères des Déserts, par Arnauld d’Andilli, pag. 188.
  4. Lib. III, num. 37.
  5. Ad ann. 395, num. 26.
  6. Part. II, cap. XXXVI.
  7. Voyez Arnauld d’Andilli, Vies des Pères des Déserts, tom. II, pag. 188.
  8. Baron., ad ann. 383, num. 22.
  9. Pag. 713, édition d’Amsterd. en 1668.