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très rare dans ce genre — à l’exception de ce terrible lieu commun du dernier vers.

Dans les autres blasons de Scève, nous trouvons des qualités littéraires qui ne différent pas beaucoup de celles que nous venons de noter. Parcourons par exemple le Blason du Sourcil qui lui a valu le laurier poétique. Il est plus criblé de lieux communs que le précédent ; le sourcil nous y est peint comme dans toutes les descriptions de beauté féminine du seizième siècle :

                    traictif, en vouste fléchissant
Trop plus qu’hébène ou jay noircissant…
Sourcil sur qui Amour print le pourtrait
Et le patron de son arc qui attraict
Hommes et Dieux à son obéissance…

Mais la description matérielle du sourcil ne comprend que peu de vers ; la plus grande partie de la poésie s’occupe de l’influence qu’il exerce sur le pauvre amant.

Sourcil qui rend l’air clair, obscur soudain,
Quand il froncist par yre ou par desdain.
Et puis le rend serein, clair et joyeux
Quand il est doux, plaisant et gracieux…
Sourcil assis au lieu haut pour enseigne
Par qui le cœur son vouloir nous enseigne,
Nous découvrant sa profonde pensée
Ou soit de paix ou de guerre offensée…

Malheureusement Scève ne craint pas le calembour plat, funeste héritage des grands rhétoriqueurs, quand il lui vient à point. Dans ce genre, das banalités fastidieuses lui semblent bien mériter ses efforts :

Sourcil, non pas sourcil, mais un soubz ciel
Qu’est le dixième et superficiel.
Où l’on peut voir des estoilles ardentes…

et voilà l’astrologie qui se mêle à la poésie de Scève, comme plus tard dans la Délie, par imitation sans doute de Pétrarque.

Certes, le Blason du Sourcil est le plus platonique de tous, il contient les compliments les plus sérieux à l’adresse du sexe féminin dont le pouvoir et la vertu paraissent être hors de doute. On comprend facilement que Renée de France et les dames de sa cour lui aient décerné le premier prix.

Dans le Blason de la Larme, le poète décrit comment celle-ci descend coye et lente sur la face et entre les seins

Lieux prohibez comme sacrez et saints[1].
  1. Qu’on compare ce vers avec les grivoiseries de l’Épigramme du beau Tetin