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Aucun document ne nous a transmis la date de la naissance de notre poète, et ses œuvres ne contiennent aucune indication qui permette de la fixer avec quelque exactitude. M. J. Buche[1] suppose 1504 ou 1505 ; il faudra peut-être reculer cette date de deux ou trois années. Scève fait encore, il est vrai, des études en 1533 (ce qui ne veut pas dire qu’il fût étudiant), mais son portrait dans la Délie (1544) semble bien être celui d’un quinquagénaire, et dans le même poème il se plaint déjà des premières attaques de la vieillesse[2]. Il est possible qu’il ait vieilli assez vite, il est aussi possible que ces plaintes soient de l’afféterie. Dans le Microcosme enfin, en 1562, il se compare à un figuier qui

…regette sur l’automne
Son second fruit, mais vert et sans saveur,

ce qui semble désigner un âge déjà très avancé. Mais tout cela est très peu exact et j’avoue qu’on pourrait aussi bien avancer la date proposée par Buche que la reculer, ce qui serait pourtant plus plausible.

Nous ne savons rien de la première jeunesse de Scève. Il est très probable qu’il connut de bonne heure le grand luxe de Lyon comme enfant d’une famille riche et influente. Les fêtes brillantes qu’on offrait alors aux princes qui séjournaient dans la ville et aux vainqueurs d’Italie, ne pouvaient pas rester sans influence sur un jeune homme, doué de sens artistique. La rue de la Juiverie, où avaient lieu les grands tournois et les joutes, était tout près de la maison paternelle de Scève. C’était le quartier aristocratique de la ville ; les Grolier, les Duchoul, les Bellièvre, les Vauzelles, les riches familles italiennes telles que les Guadagni, les Gondi et autres demeuraient dans la partie de la ville située entre la Saône et la montagne de Fourvière. Maurice Scève y respira dès sa plus tendre jeunesse l’air de la Renaissance ; tout contribuait à lui donner le goût de l’humanisme, de la poésie et de la beauté.

Aucun document ne nous renseigne sur l’instruction que le juge-mage fit donner à son fils ; mais quand nous voyons que le poète répand dans ses œuvres le riche trésor d’un savoir universel, et cela d’une manière bien différente de celle des autodidactes qui n’oublient jamais ce que leur savoir leur a coûté de peines, nous en concluons que son instruction dut être très soignée. Le Collège de la Trinité ne peut pas réclamer l’honneur

  1. L’École lyonnaise. Article du Salut public. Lyon, 23 juin 1902.
  2. …Et jà (de loin) courbe vieillesse accule.
    Cette verdeur que je sentis nouvelle, (dizain 333.)
    En moi saisons et âges finissants
    De jour en jour découvrent leur fallace. (dizain 407.)