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LES LORTIE

— Il faut bien qu’il passe ses soirées quelque part, Bob ! Et… Suzanne, mon Dieu, tu es déjà sorti avec elle, toi !

— C’est pour ça que je la connais si bien ! Vois-tu, Ninette, on ne joue pas seulement au pool chez Tony, on y joue aussi aux dés et aux cartes.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Je veux dire que ton frère passe son temps à jouer au poker, et que l’autre soir il a perdu soixante piastres.

— Soixante piastres ! Mais comment veux-tu qu’il perde soixante dollars aux cartes ? Je lui ai donné trois dollars samedi ; c’est tout ce qu’il avait pour sa semaine !

— Je n’en sais rien, ma chérie ; il pouvait avoir gagné la veille. Si je te dis tout ça, c’est parce que tu es sa seule famille. Vous n’êtes que vous deux et, au fond, je sais que tu te considères comme étant un peu responsable de ses actes.

— Il a vingt ans. Je ne peux ni l’enfermer ni le suivre partout.

— Non, Ninette, je sais ; mais il y a autre chose encore. Ton frère fait un métier dangereux.

— Un métier dangereux ! Lequel ?

— Il vend des billets de loterie. Oh ! rassure-toi, ça n’est pas grave, mais enfin c’est illégal. Il pourrait se faire prendre un de ces jours et ça lui causerait de gros ennuis.

Ici le film s’arrêta brusquement comme quand, au cinéma, la pellicule se casse dans la machine. Ninette ouvrit les yeux. Dans le vestibule, la lampe brûlait toujours.

Ninette savait, maintenant, pourquoi elle était lasse.

***