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RUE PRINCIPALE

— Bien oui, poursuivit Bob. Certainement, Sénécal ! Dis-moi pas que tu ne le connais pas !

Déjà elle avait repris un peu d’empire sur elle-même. Elle haussa les épaules et répondit :

— Je le connais, oui, je le connais. Bien sûr ! Tout le monde le connaît à Saint-Albert.

― Oui, tout le monde le connaît. Seulement toi, tu le connais bien mieux que beaucoup de gens.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

― Ce que peut être la nature de vos relations, je ne le sais pas exactement, et je ne demande pas à le savoir. Mais ce dont je suis sûr, par exemple, c’est qu’il existe un nommé Jeannotte qui travaillait pour ton compte et pour celui de Sénécal.

Jeannotte ! Il savait ça aussi. Elle ne s’avoua pourtant pas vaincue.

— Jeannotte ? Je ne sais même pas de qui tu veux parler.

― Voyons donc, Suzanne, voyons donc ! Ce n’est pas le moment de jouer la comédie. Si je te parle ce soir, c’est uniquement parce que je veux essayer de t’éviter des ennuis. Je ne devrais peut-être pas, parce que, tu sais, je n’excuse pas ce que tu as fait ! Au contraire ! Seulement, je ne sais pas très bien pourquoi, mais je n’aimerais pas que tu ailles en prison.

Il faisait trop noir pour qu’il la vît pâlir, mais elle sentit nettement le sang quitter son visage. Ce fut d’une voix blanche, sans timbre, qu’elle balbutia :

— En prison.

— Oui certainement, poursuivit-il, cette affaire-là, si tu ne veux pas être franche au moins une fois, ça ne finira pas autrement que devant un juge.