― Mais… je ne sais rien du tout. Comment veux-tu ?
Il lui lança, de biais, un regard à la fois railleur et sceptique.
— Te rappelles-tu, dit-il, quand Gaston a parlé de l’affaire de la bouteille de lait, tout-à-l’heure ; te rappelles-tu que j’ai dit qu’il valait mieux changer de sujet de conversation ?
— Oui, Bob, oui, je me rappelle.
— Puis, te rappelles-tu aussi que j’ai même failli citer un proverbe ?
— Oui.
— Et ce proverbe, c’était : « Il ne faut pas parler de corde dans la maison d’un pendu. »
— Il ne faut pas parler de corde…?
— Oh ! évidemment, le proverbe n’était pas tout ce qu’il y a de mieux approprié, parce qu’en somme, nous étions chez Gaston et ce n’était pas de lui qu’il s’agissait, Suzanne, c’était de toi.
— De moi ? Je te jure que je ne te comprends pas !
Il obliqua vers la droite et, assez brusquement, arrêta la voiture au bord de la route.
— Tu vas comprendre. Sois tranquille, je ne te ferai pas languir longtemps. Le coup de la bouteille de lait, ça venait de toi, pas vrai ?
Un frisson la parcourut tout entière.
— Tu es fou ! lui dit-elle.
— Si ça ne vient pas de toi, reprit-il, ça vient de Sénécal.
Elle était atterrée. Où donc Bob avait-il pu apprendre ce qu’elle était si sûre que personne ne savait ? Et que savait-il au juste ? Elle répéta machinalement :
— Sénécal…