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LES LORTIE

Et il avait commencé par lui écrire une lettre émouvante et parsemée de fautes d’orthographe, la suppliant de mettre fin à son martyre de prisonnier.

C’est porteuse de cette lettre que Cunégonde, ayant fait sa toilette des grands jours, se présenta au chef Langelier, qui la reçut galamment malgré qu’elle arrivât, fort mal à propos, au moment où il lisait un roman policier palpitant, tout en croquant des bonbons acidulés.

— Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous ce matin ? lui demanda-t-il en refermant le tiroir où il avait précipitamment jeté son sac de bonbons.

— Ben, répondit-elle, c’est… c’est à propos d’une lettre que j’ai reçue hier.

— Oui ?

Elle ouvrit son sac.

— Tenez, dit-elle, je l’ai ici, voulez-vous la lire ?

— Je l’ai lue.

— Hein ! sursauta-t-elle, vous avez lu ma lettre ?

— C’est le règlement, mademoiselle Cunégonde. Faut lire les lettres des prisonniers avant de les laisser partir.

— Puisque vous l’avez lue, dit-elle, dites-moi donc ce que vous en pensez, monsieur Langelier ?

Le chef haussa les épaules et répliqua, presque bourru :

— Ben écoutez, je sais pas moi. C’est vous qui l’avez fait arrêter cet homme-là ; c’est vous qui avez porté plainte. Il me semble que c’est vous qui devez savoir ce que vous voulez faire, cimequière ! Si vous vous ennuyez de votre amoureux, faites-le relâcher, c’est bien simple !

— C’est pas ça pantoute ! répliqua Cunégonde offusquée.

— Qu’est-ce que c’est, d’abord ?