Page:Baudry - Rue Principale 1 les Lortie, 1940.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
RUE PRINCIPALE

reux et la misère vaillamment supportée. Le sort s’était montré singulièrement cruel pour ces pauvres gens. La mère était restée paralysée après avoir donné le jour à Simonne, qui était aujourd’hui, malgré les heures sombres de son enfance, une belle et grande jeune fille de dix-neuf ans. Dix ans après, le père, ouvrier électricien, s’était tué dans une chute ridicule de dix pieds à peine. Depuis, André, l’aîné des deux orphelins, devenu chef de famille à douze ans, avait fait tous les métiers d’enfant avant de faire tous les métiers d’homme. Il avait vendu des journaux, porté des paquets pour un épicier, relevé des quilles au bowling, balayé un atelier d’imprimerie, gagnant misérablement quelques dollars par semaine, tout en continuant à apprendre les choses dont il avait dû interrompre l’étude, en quittant l’école à l’âge où les autres commencent à y aller sérieusement.

Et là, la minable maison de bois qui abritait leur détresse et leur vaillance, à ces pauvres Lamarche, se consumait dans le ciel de novembre !

Près d’une cinquantaine de personnes entouraient le brasier lorsque Marcel arriva. De tous côtés fusaient des conseils, s’élevaient des cris, mais personne ne semblait se soucier de passer à l’action. Passer à l’action ? À quoi cela aurait-il pu servir ? Cette bicoque de bois, dont l’étage supérieur était déjà presqu’à moitié consumé, ne pouvait que flamber jusqu’à ce que sa dernière poutre se fût effondrée. Marcel, comme les autres, regarda tristement ce spectacle à la fois grandiose et effrayant.

— Voyons ! dit quelqu’un à côté de lui, qu’est-ce qu’ils font donc, ces pompiers-là qu’ils n’arrivent pas ?

C’était vrai pourtant. La maison des Lamarche était située sur le territoire de Saint-Albert, encore