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— Mon homme, dit-elle, je veux devenir pape ; va vite, il faut que je sois pape aujourd’hui même.

— Non, femme, dit l’homme, je ne puis pas lui dire cela ; cela ne peut être ainsi, c’est trop ; la barbue ne peut pas te faire pape.

— Que de paroles, mon homme ! dit la femme ; elle a pu me faire impératrice, elle peut aussi bien me faire pape. Marche, je suis impératrice, et tu es mon homme ; vite, mets-toi en chemin. »

Il eut peur et partit ; mais le cœur lui manquait, il tremblait, avait le frisson, et ses jambes et ses genoux flageolaient sous lui. Le vent soufflait dans la campagne, les nuages couraient, et l’horizon était sombre vers le couchant ; les feuilles s’agitaient avec bruit sur les arbres ; l’eau se soulevait et grondait comme si elle eût bouillonné, elle se brisait à grand bruit sur le rivage, et il voyait de loin les navires qui tiraient le canon d’alarme et dansaient et bondissaient sur les vagues. Le ciel était bleu encore à peine sur un point de son étendue, mais tout à l’entour des nuages d’un rouge menaçant annonçaient une terrible tempête.

Il s’approcha tout épouvanté et dit :

Tarare ondin, Tarare ondin,
Petit poisson, gentil fretin,
Mon Isabeau crie et tempête ;
Il en faut bien faire a sa tête.

« Et que veut-elle donc ? dit la barbue.