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LE CURÉ LABELLE

exclusivement destiné à récompenser les travaux de colonisation et les succès agricoles. Les paroisses se multipliaient, les lacunes étaient comblées et chacun rendait hommage à l’activité du nouveau ministre.

M. Labelle n’en était pas plus fier pour cela et continuait à porter une soutane râpée, comme au temps où il explorait les bois et les lacs. Un brave protestant de Québec, voyant ce haut fonctionnaire habillé comme un missionnaire des Peaux-Rouges, se dit : Je veux lui payer une soutane puisqu’il paraît ne pas avoir les ressources pour s’en procurer ; et il lui offrit délicatement trente piastres pour en acheter une. Le ministre, ne voulant point contrister le bonhomme, accepta les trente piastres et les distribua aux pauvres.

Le donateur l’ayant appris se piqua d’honneur et s’écria : Je le forcerai bien d’accepter mon habit. Ayant cherché le tailleur de M. Labelle, il lui commanda une superbe soutane et l’envoya au curé de Saint-Jérôme en le priant de l’accepter.

— Bien reconnaissant, répondit l’ancien Roi du Nord, mais cet habit est trop beau. Isidore, vous tâcherez de trouver quelque prêtre qui en ait plus besoin que moi, on le lui donnera.

— Mais, monsieur oublie donc qu’il n’y a pas dans tout le Canada un prêtre assez gros et assez grand pour revêtir cet habit ?

— C’est vrai, dit M. Labelle, je n’y pensais pas, mettez-le donc dans l’armoire.