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LE CURÉ LABELLE

En trois mois de travail, il peut faire une éclaircie de quelques arpents en automne ; il les sème au printemps, obtient des pommes de terre, de l’avoine et des légumes. Les années suivantes, en étendant la culture, il aura plus que sa nourriture et celle de ses bestiaux. Le bois ne lui coûtera que la peine de le couper.

Après le petit cultivateur, celui qui doit émigrer est le travailleur pauvre, le journalier de la ville ou de la campagne, n’ayant pour vivre que son travail de chaque jour. Cet homme et sa famille sont enchaînés par la nécessité, il n’a pas d’espoir d’améliorer sa position et n’a pas d’avenir. Son travail lui suffit à peine ; avec quoi ferait-il des économies pour les jours mauvais ? Un accident, une maladie suffisent pour le plonger dans la misère. Il végète tristement, l’âge arrive, il n’a plus pour subsister que l’assistance de ses enfants ou la charité publique. S’il avait le courage de défricher quelques arpents, il y vivrait à l’aise, lui et les siens.

Celui qui doit émigrer ensuite, c’est le cultivateur père de famille qui n’a pas les moyens d’établir ses fils autour de lui. Dans nos vieilles paroisses, les terres à vendre se font chères et rares : n’a pas qui veut assez d’argent pour en acheter. Les garçons grandissent, le père s’efforce de les retenir en les attachant aux travaux de la ferme. Souvent il ne recule pas devant la dépense, il s’endette même pour qu’ils aient de beaux chevaux, de belles voitures. Et cela ne