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les poëtes de la pléiade sont en ce genre les maîtres à consulter : il ne serait pas non plus inutile de lire le livre où Guillaume Colletet traite du sonnet ex-professo. On peut dire qu’il a épuisé la matière. Mais en voilà bien assez sur les sonnets libertins que Maynard le premier mit en honneur. Quant aux sonnets doubles, rapportés, septenaires, à queue, estrambots, rétrogrades, par répétition, retournés, acrostiches, mésostiches, en losange, en croix de Saint-André et autres, ce sont des exercices de pédants dont on peut voir les patrons dans Rabanus Maurus, dans l’Apollon espagnol et italien et dans le traité exprès qu’en a fait Antonio Tempo, mais qu’il faut dédaigner comme des difficultés laborieusement puériles et les casse-tête chinois de la poésie.

Baudelaire cherche souvent l’effet musical par un ou plusieurs vers particulièrement mélodieux qui font ritournelle et reparaissent tour à tour, comme dans cette strophe italienne appelée sextine dont M. le comte de Gramont offre en ses poésies plusieurs exemples heureux. Il applique cette forme, qui a le bercement vague d’une incantation magique entendue à demi dans un rêve, aux sujets de mélancolique souvenir et d’amour malheureux. Les stances aux bruissements monotones emportent et rapportent la pensée en la balançant comme les vagues roulent dans leurs volutes régulières une fleur noyée tombée de la rive. Comme Longfellow et Edgar Poe, il emploie parfois l’allitération, c’est-à-dire le retour déterminé d’une certaine consonne pour produire à l’intérieur du vers un effet d’harmonie. Sainte-Beuve, à qui aucune de ces délicatesses n’est inconnue, et qui les pratique avec son art exquis, avait dit autrefois dans un sonnet d’une douceur fondue et tout italienne :

Sorrente m’a rendu mon doux rêve infini.