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Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

Ô douleur ! ô douleur ! le temps mange la vie,
Et l’obscur ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

Je n’ai que peu de chose à dire de la plastique de M. Charles Baudelaire. Elle est souvent parfaite ; parfois aussi il se permet des audaces, des négligences, des violences qu’explique la nature toute spontanée de son inspiration.

Sa phrase poétique n’est pas, comme celle de M. Théodore de Banville, par exemple, le développement large et calme d’une pensée maîtresse d’elle-même. Ce qui chez l’un découle d’un amour savant et puissant de la forme est produit chez l’autre par l’intensité et par la spontanéité de la passion. Et puisque j’ai nommé M. Théodore de Banville, je rappellerai ce que je disais il y a un an, ici même, à propos de ses Odelettes : « Des deux grands principes posés au commencement de ce siècle, la recherche du sentiment moderne et le rajeunissement de la langue poétique, M. de Banville a retenu le second… » Dans ma pensée, je retenais le premier pour M. Charles Baudelaire.

L’un et l’autre représentent hautement les deux tendances de la poésie contemporaine. Ils pourront servir de bornes lumineuses à une nouvelle génération de coureurs poétiques.

Charles Asselineau.