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d’été précipitait toutes ses splendeurs. « La température était sèche, le ciel sans nuages ; les profondeurs azurées apparaissaient comme un type parfait de l’infini, et il n’était pas possible pour l’œil de contempler, ni pour le cœur de concevoir un symbole plus pathétique de la vie et de la gloire dans la vie. »

Un grand malheur, un malheur irréparable qui nous frappe dans la belle saison de l’année, porte, dirait-on, un caractère plus funeste, plus sinistre. La mort, nous l’avons déjà remarqué, je crois, dans l’analyse des Confessions, nous affecte plus profondément sous le règne pompeux de l’été. « Il se produit alors une antithèse terrible entre la profusion tropicale de la vie extérieure et la noire stérilité du tombeau. Nos yeux voient l’été, et notre pensée hante la tombe ; la glorieuse clarté est autour de nous, et en nous sont les ténèbres. Et ces deux images, entrant en collision, se prêtent réciproquement une force exagérée. » Mais pour l’enfant, qui sera plus tard un érudit plein d’esprit et d’imagination, pour l’auteur des Confessions et des Suspiria, une autre raison que cet antagonisme avait déjà relié fortement l’image de l’été à l’idée de la mort, — raison tirée de rapports intimes entre les paysages et les événements dépeints dans les Saintes Écritures. « La plupart des pensées et des sentiments profonds nous viennent, non pas directement et dans leurs formes nues et abstraites, mais à travers des combinaisons compliquées d’objets concrets. » Ainsi, la Bible, dont une jeune servante faisait la lecture