Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un souvenir de mon premier état ; mes rêves ne sont pas parfaitement calmes ; la redoutable turgescence et l’agitation de la tempête ne sont pas entièrement apaisées ; les légions dont mes songes étaient peuplés se retirent, mais ne sont pas toutes parties ; mon sommeil est tumultueux, et, pareil aux portes du Paradis quand nos premiers parents se retournèrent pour les contempler, il est toujours, comme dit le vers effrayant de Milton :

Encombré de faces menaçantes et de bras flamboyants. »

L’appendice (qui date de 1822) et destiné à corroborer plus minutieusement la vraisemblance de ce dénouement, à lui donner pour ainsi dire une rigoureuse physionomie médicale. Être descendu d’une dose de huit mille gouttes à une dose modérée variant de trois cents à cent soixante était certainement un assez magnifique triomphe. Mais l’effort qui restait à faire demandait encore plus d’énergie que l’auteur ne s’y attendait, et la nécessité de cet effort devint de plus en plus manifeste. Il s’aperçut particulièrement d’un certain endurcissement, d’un manque de sensibilité dans l’estomac, qui semblait présager quelque affection squirreuse. Le médecin affirma que la continuation de l’usage de l’opium, quoique en doses réduites, pouvait amener un pareil résultat. Dès lors, serment d’abjurer l’opium, de l’abjurer absolument. Le récit de ses efforts, de ses hésitations, des douleurs physiques résultant des premières victoires de la vo-