Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/307

Cette page a été validée par deux contributeurs.

minables journées d’été, il lui est difficile de ne pas penser à la mort ; et l’idée de la mort d’une personne connue ou chérie assiège son esprit plus obstinément pendant la saison splendide. Il lui sembla, un jour, qu’il était debout à la porte de son cottage ; c’était (dans son rêve) un dimanche matin du mois de mai, un dimanche de Pâques, ce qui ne contredit en rien l’almanach des rêves. Devant lui s’étendait le paysage connu, mais agrandi, mais solennisé par la magie du sommeil. Les montagnes étaient plus élevées que les Alpes, et les prairies et les bois, situés à leurs pieds, infiniment plus étendus ; les haies, parées de roses blanches. Comme c’était de fort grand matin, aucune créature vivante ne se faisait voir, excepté les bestiaux qui se reposaient dans le cimetière sur des tombes verdoyantes, et particulièrement autour de la sépulture d’un enfant qu’il avait tendrement chéri (cet enfant avait été réellement enseveli ce même été ; et un matin, avant le lever du soleil, l’auteur avait réellement vu ces animaux se reposer auprès de cette tombe). Il se dit alors : « Il y a encore assez longtemps à attendre avant le lever du soleil ; c’est aujourd’hui dimanche de Pâques ; c’est le jour où l’on célèbre les premiers fruits de la résurrection. J’irai me promener dehors ; j’oublierai aujourd’hui mes vieilles peines ; l’air est frais et calme ; les montagnes sont hautes et s’étendent au loin vers le ciel ; les clairières de la forêt sont aussi paisibles que le cimetière ; la rosée lavera la fièvre de mon front, et ainsi je cesserai