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rurent comme par l’effet d’une encre sympathique.

L’auteur illustre les principales caractéristiques de ses rêves par quelques échantillons d’une nature étrange et redoutable ; un, entre autres, où par la logique particulière qui gouverne les événements du sommeil, deux éléments historiques très-distants se juxtaposent dans son cerveau de la manière la plus bizarre. Ainsi dans l’esprit enfantin d’un campagnard, une tragédie devient parfois le dénouement de la comédie qui a ouvert le spectacle :

« Dans ma jeunesse, et même depuis, j’ai toujours été un grand liseur de Tite-Live ; il a toujours fait un de mes plus chers délassements ; j’avoue que je le préfère, pour la matière et pour le style, à tout autre historien romain, et j’ai senti toute l’effrayante et solennelle sonorité, toute l’énergique représentation de la majesté du peuple romain dans ces deux mots qui reviennent si souvent à travers les récits de Tite-Live : Consul Romanus, particulièrement quand le consul se présente avec son caractère militaire. Je veux dire que les mots : roi, sultan, régent, ou tous autres titres appartenant aux hommes qui personnifient en eux la majesté d’un grand peuple, n’avaient pas puissance pour m’inspirer le même respect. Bien que je ne sois pas un grand liseur de choses historiques, je m’étais également familiarisé, d’une manière minutieuse et critique, avec une certaine période de l’histoire d’Angleterre, la période de la guerre du Parlement, qui m’avait attiré par la grandeur morale de ceux qui y