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paye honnêtement sa dette, comme lui la sienne. Le salon est petit et sert à deux fins. On pourrait plus proprement l’appeler la bibliothèque ; c’est là que sont accumulés cinq mille volumes, achetés un à un, vraie conquête de la patience. Un grand feu brille dans la cheminée ; sur le plateau sont posées deux tasses et deux soucoupes ; car la charitable Électre qu’il nous a fait pressentir embellit le cottage de toute la sorcellerie de ses angéliques sourires. À quoi bon décrire sa beauté ? Le lecteur pourrait croire que cette puissance de lumière est purement physique et appartient au domaine du pinceau terrestre. Et puis, n’oublions pas la fiole de laudanum, une vaste carafe, ma foi ! car nous sommes trop loin des pharmaciens de Londres pour renouveler fréquemment notre provision ; un livre de métaphysique allemande traîne sur la table, qui témoigne des éternelles ambitions intellectuelles du propriétaire. — Paysage de montagnes, retraite silencieuse, luxe ou plutôt bien-être solide, vaste loisir pour la méditation, hiver rigoureux, propre à concentrer les facultés de l’esprit, oui, c’était bien le bonheur, ou plutôt les dernières lueurs du bonheur, une intermittence dans la fatalité, un jubilé dans le malheur ; car nous voici touchant à l’époque funeste où « il faut dire adieu à cette douce béatitude, adieu pour l’hiver comme pour l’été, adieu aux sourires et aux rires, adieu à la paix de l’esprit, adieu à l’espérance et aux rêves paisibles, adieu aux consolations bénies du sommeil ! » Pendant plus de trois ans, notre rêveur sera