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tel que je l’ai supposé. L’harmonie, le balancement des lignes, l’eurythmie dans les mouvements, apparaissent au rêveur comme des nécessités, comme des devoirs, non seulement pour tous les êtres de la création, mais pour lui-même, le rêveur, qui se trouve, à cette période de la crise, doué d’une merveilleuse aptitude pour comprendre le rythme immortel et universel. Et si notre fanatique manque de beauté personnelle, ne croyez pas qu’il souffre longtemps de l’aveu auquel il est contraint, ni qu’il se regarde comme une note discordante dans le monde d’harmonie et de beauté improvisé par son imagination. Les sophismes du haschisch sont nombreux et admirables, tendant généralement à l’optimisme, et l’un des principaux, le plus efficace, est celui qui transforme le désir en réalité. Il en est de même sans doute dans maint cas de la vie ordinaire, mais ici avec combien plus d’ardeur et de subtilité ! D’ailleurs, comment un être si bien doué pour comprendre l’harmonie, une sorte de prêtre du Beau, pourrait-il faire une exception et une tache dans sa propre théorie ? La beauté morale et sa puissance, la grâce et ses séductions, l’éloquence et ses prouesses, toutes ces idées se présentent bientôt comme des correctifs d’une laideur indiscrète, puis comme des consolateurs, enfin comme des adulateurs parfaits d’un sceptre imaginaire.

Quant à l’amour, j’ai entendu bien des personnes animées d’une curiosité de lycéen, chercher à se renseigner auprès de celles à qui était familier l’usage du