pas. Dans le second cas, l’hallucination est progressive, presque volontaire, et elle ne devient parfaite, elle ne se mûrit que par l’action de l’imagination. Enfin elle a un prétexte. Le son parlera, dira des choses distinctes, mais il y avait un son. L’œil ivre de l’homme pris de haschisch verra des formes étranges ; mais, avant d’être étranges ou monstrueuses, ces formes étaient simples et naturelles. L’énergie, la vivacité vraiment parlante de l’hallucination dans l’ivresse n’infirme en rien cette différence originelle. Celle-là a une racine dans le milieu ambiant et dans le temps présent, celle-ci n’en a pas.
Pour mieux faire comprendre ce bouillonnement d’imagination, cette maturation du rêve et cet enfantement poétique auquel est condamné un cerveau intoxiqué par le haschisch, je raconterai encore une anecdote. Cette fois, ce n’est pas un jeune homme oisif qui parle, ce n’est pas non plus un homme de lettres ; c’est une femme, une femme un peu mûre, curieuse, d’un esprit excitable, et qui, ayant cédé à l’envie de faire connaissance avec le poison, décrit ainsi, pour une autre dame, la principale de ses visions. Je transcris littéralement :
« Quelque bizarres et nouvelles que soient les sensations que j’ai tirées de ma folie de douze heures (douze ou vingt ? en vérité, je n’en sais rien), je n’y reviendrai plus. L’excitation spirituelle est trop vive, la fatigue qui en résulte trop grande ; et, pour tout dire, je trouve dans cet enfantillage quelque chose de