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XI
ÉTUDE BIOGRAPHIQUE.


ses relations conféraient, paraît-il, un véritable prestige, glissa du rôle de père noble à un autre plus galant. Il ne laissa pas d’y plaire, on l’agréa, et c’est ainsi que du roman de ses soixante hivers avec les vingt-six printemps de Caroline Archimbaut-Dufays naquit le futur poète des Fleurs du Mal.

La bio-physiologie qui veut constamment expliquer l’inexplicable, sans tenir compte des facteurs qui échappent toujours à ses recherches, a prétendu rapporter à cette union disproportionnée tous les maux dont a souffert Charles Baudelaire. « Enfant de vieux ! » prononce-t-elle comme un autre « Voilà pourquoi votre fille est muette. » — C’est aller bien loin. Les excès divers que Baudelaire commit dès sa jeunesse et le coup de pied dont Vénus Ennemie le gratifia aux environs de sa vingtième année, suffisent à expliquer la plupart de ses infirmités morales ou physiques : son manque de volonté, sa précoce impuissance au travail, sa lassitude chronique, son exaspération nerveuse, et la paralysie générale par laquelle il devait finir. Mais, pour ne pas tomber dans l’excès contraire au leur, on peut concéder aux médecins qui se sont occupés de son « cas » que, selon toute vraisemblance, l’écart d’âge de ses parents fut pour quelque chose dans ses prédispositions morbides, notamment dans cette instabilité de tempérament qui devait lui valoir, son existence entière, d’être ballotté entre les deux pôles contraires et d’épuiser sa vitalité à lutter contre lui-même.

Joseph-François, pour sa part, eut-il conscience d’un tort à se faire pardonner ? Il est certain qu’il aima Charles d’une tendresse particulière, l’associant à ses promenades, et s’appliquant à lui inculquer ses goûts. Les arts plastiques avaient toujours exercé sur lui une grande séduction, comme le prouvaient les murs du petit hôtel de la rue