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LES FLEURS DU MAL.


LIII

L’INVITATION AU VOYAGE.

   Mon enfant, ma sœur,
   Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
   Aimer à loisir,
   Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
   Les soleils mouillés
   De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
   Si mystérieux
   De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

   Des meubles luisants,
   Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
   Les plus rares fleurs
   Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,