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problèmes d’une nature sinistre et obscure, gouffres bizarres qui les attirent. Cependant, on se tromperait fort si l’on rangeait Victor Hugo dans la classe des créateurs qui ont attendu si longtemps pour plonger un regard inquisiteur dans toutes ces questions intéressant au plus haut point la conscience universelle. Dès le principe, disons-le, dès les débuts de son éclatante vie littéraire, nous trouvons en lui cette préoccupation des faibles, des proscrits et des maudits. L’idée de justice s’est trahie, de bonne heure, dans ses œuvres, par le goût de la réhabilitation. Oh ! n’insultez jamais une femme qui tombe ! Un bal à l’hôtel de ville, Marion de Lorme, Ruy-Blas, le Roi s’amuse, sont des poëmes qui témoignent suffisamment de cette tendance déjà ancienne, nous dirons presque de cette obsession.


III


Est-il bien nécessaire de faire l’analyse matérielle des Misérables, ou plutôt de la première partie des Misérables ? L’ouvrage est actuellement dans toutes les mains, et chacun en connaît la fable et la contexture. Il me paraît plus important d’observer la méthode dont l’auteur s’est servi pour mettre en lumière les vérités dont il s’est fait le serviteur.

Ce livre est un livre de charité, c’est-à-dire un livre fait pour exciter, pour provoquer l’esprit de charité ;